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RÉFUGIÉS

Quand la solidarité s’avère essentielle

13 avril 2016 | Mise à jour le 15 février 2017
Par | Photo(s) : DR
Quand la solidarité s’avère essentielle

Ce 10 avril, des centaines de réfugiés entassés dans le camp d'Idomeni, en Grèce, ont été empêchées par la police macédonienne de franchir la frontière. Gaz lacrymogènes, grenades assourdissantes, balles réelles entourées de plastique… : près de 300 réfugiés, dont de nombreux enfants, ont été blessés. Pendant ce temps, en Limousin, la solidarité s'organise, notamment grâce aux associations, à la CGT, et au comité d'entreprise des électriciens et gaziers. Nous sommes allés à leur rencontre.

Le Plateau des Mille Vaches est une terre granitique située aux marges du Massif Central, marquée par la Résistance limousine et l'épopée des maquis de Georges Guingouin. Son paysage a été remodelé, par le service public de l'électricité, avec la mise en service d'une centrale hydroélectrique dans les années suivant la Libération, créant un grand lac de barrage (Vassivière).

Mais avec 18 habitants/km2 pour 121 communes, le Plateau, fort peu peuplé, est en outre mal relié aux villes-préfectures des trois départements sur lesquels il s'étend (Limoges, Brive et Guéret).

DES TRADITIONS DE LUTTE ET D'ACCUEIL

Pourtant, quelque chose de ses traditions d'accueil et de lutte perdure, sous des formes renouvelées. La richesse de la vie associative et syndicale y contribue largement. En particulier pour accueillir les réfugiés qui, en ce début de siècle, essaient simplement de survivre. Si le tissu syndical et associatif facilite leur accueil, le relatif isolement du lieu, lui, complique la vie des migrants provisoirement installés dans cette zone de moyenne montagne limousine.

Trois communes, en effet, accueillent des réfugiés et demandeurs d'asile : 40 places au Centre d'accueil et d'orientation (CAO) à Peyrat-le-Château, ouvert en novembre 2015 et destiné à fermer le mois prochain, 80 places au Centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) d'Eymoutiers (depuis le printemps 2014) et 60 au CADA de Peyrelevade (depuis le printemps 2015).

La mairie d'Eymoutiers a décidé de dédier un village de vacances désormais inutilisé à l'accueil de familles, et c'est une maison de retraite qui a été transformée en lieu d'asile à Peyrelevade.

À Peyrat, même s'il existe un soutien actif de la municipalité, les choses sont un peu différentes. En effet, l'accueil est d'abord d'urgence ; et il est le fruit de la solidarité des gaziers et électriciens, avec leur comité d'entreprise…

HÉBERGEMENT, IL Y A URGENCE

Lorsqu'un étranger obligé de fuir son pays arrive en France, il bénéficie normalement d'un accompagnement spécifique jusqu'à l'attribution, ou non, du statut de réfugié politique. Cet accompagnement comprend un hébergement collectif en CADA pour une durée indéterminée, souvent longue, car la procédure d'accès à l'asile politique peut durer un ou deux ans au cours desquels le demandeur n'a pas d'autorisation de travail.

Seulement, il n'y a que 33 000 places en CADA pour 70 000 demandeurs… Si l'on ajoute les promesses non tenues de relocaliser une partie des familles fuyant la guerre – qui se retrouve bloquée en Grèce ou en Italie – et la situation particulière des réfugiés en attente d'un passage vers l'Angleterre, on mesure l'urgence d'hébergements provisoires dignes.

ÉLECTRICIENS, GAZIERS : LE COMITÉ D'ENTREPRISE S'ENGAGE

C'est dans un esprit de solidarité sans frontières qu'en septembre 2015, la CCAS d'EDF-GDF, face à l'arrivée exceptionnellement massive de réfugiés irakiens et syriens fuyant les bombardements, a accepté de transformer le centre de vacances de Peyrat en CAO.

En précisant qu'il doit être rendu à sa destination première – l'accueil de colonies de vacances – dès la mi-mai. La question du devenir de la petite trentaine de réfugiés qui y vivent encore est en cours de discussion.

NANS ET FLOGNARDES

Ces réfugiés, des hommes seuls, sont logés par deux dans des chambres sommairement réaménagées accueillant habituellement quatre enfants. Ils bénéficient d'espaces collectifs : réfectoire et cuisines, terrains de sport, petite salle informatique. « En novembre, nous dit un bénévole, les repas simplement à réchauffer étaient fournis par l'association La bonne assiette. Depuis janvier, les réfugiés se sont organisés différemment : légumes et viande arrivent des surplus de la banque alimentaire, et une petite équipe cuisine à tour de rôle. »

C'est dans ces cuisines collectives qu'ont été élaborés les nans offerts par les réfugiés de Peyrat lors de trois journées d'échanges organisées par la CIMADE début avril sur le Plateau, et c'est là aussi que Jocelyne, bénévole du Secours populaire, a animé un atelier de cuisine limousine, apprenant à deux jeunes Afghans comment cuisiner une flognarde (Le nan est un pain indien sans levain, la flognarde un clafoutis limousin).

EN PLEINE NUIT, EN PLEINE CAMPAGNE

« La dernière arrivée, c'était fin mars, onze personnes délogées du campement de la station Stalingrad, sous le métro aérien (Paris Xe arrondissement). Heureusement, le Centre d'accueil et d'orientation n'est pas une prison : ils étaient tous repartis, vers Paris, Calais ou ailleurs, dès le lendemain… »

Jocelyne, bénévole du Secours populaire à Peyrat-le-Château, explique fort bien pourquoi. « Ils arrivent en pleine nuit et en pleine campagne. Personne de la préfecture (sauf pour la première arrivée en novembre) n'est là pour les accueillir ni les informer. Il y a des difficultés de compréhension, car beaucoup ne parlent ni français ni anglais et aucun interprétariat n'est prévu. Ils sont fatigués par plus de dix heures de voyage dont ils n'avaient pas compris où cela devait les mener, on avait juste parlé de les “mettre à l'abri”. Parmi eux, il y a même des gens qui ne relèvent pas d'un CAO mais qui ont été embarqués dans le bus : mineurs isolés, personnes dont la demande d'asile est déjà déposée ailleurs… »

TENTER DE PENSER LA VIE

Comme le montre l'enquête de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars), nombre de réfugiés acheminés dans des centres d'accueil provisoires disséminés en France choisissent de ne pas y rester. Peyrat ne fait pas exception à la règle. D'autres réfugiés, au contraire, passé le saisissement de l'arrivée, vont pouvoir se « poser » un peu, réfléchir à la suite, tenter de renouer des contacts, découvrir la vie locale et avancer leurs démarches administratives. Le havre qui leur est offert repose essentiellement sur la solidarité syndicale, associative et citoyenne.

« Il a fallu les dons des électriciens et gaziers pour équiper le centre de quatre ordinateurs et d'une connexion Internet, nécessaire pour des gens inquiets, sans nouvelles de leurs proches, explique Patrick Stoop, président CGT de la CMCAS de Limoges. C'est grâce au tissu associatif local et au bon accueil des habitants qu'ont été organisées diverses activités sportives et culturelles qui libèrent un peu de l'angoisse. Le Secours populaire a quant à lui créé un vestiaire pour dépanner des gens parfois dépourvus de tout. L'association Familles rurales assure des cours de français. La mairie de Peyrat a recruté un emploi d'avenir pour aider à la vie quotidienne… »

L'association Adoma, chargée par la préfecture de la gestion quotidienne du centre, assure les transports pour les rendez-vous administratifs et médicaux, la permanence de travailleurs sociaux pour le montage des dossiers de demande d'asile et s'efforce de faciliter – avec peu de moyens – la vie quotidienne d'hommes qui ont tout quitté, tout perdu, qui n'arrivent à Peyrat qu'après des mois passés sur les routes et les mers dans les pires conditions.

Certains réfugiés repartent immédiatement, d'autres restent quelques semaines, d'autres encore trouvent un hébergement et un accompagnement plus pérenne en obtenant une place en CADA… Une chose est sûre : la rencontre entre les habitants du Plateau des Mille Vaches et ces hommes et femmes à l'éprouvant périple témoigne que la solidarité et la chaleur humaines se partagent encore sans frontières.