2 décembre 2020 | Mise à jour le 3 décembre 2020
Le refus du licenciement par la RATP du responsable CGT Alexandre El Gamal par l’inspection du travail est une première victoire, d’autant plus importante dans un contexte d’ouverture imminente à la concurrence des lignes de bus. Et de
mobilisation prévue le 17 décembre.
C’est un premier camouflet pour la direction de la RATP. Sa demande de licenciement du secrétaire du CSE et du syndicat CGT-RATP Bus de Vitry-sur-Seine, Alexandre El Gamal, a été rejetée par l'Inspection du travail. Sur la base des témoignages recueillis au cours de deux mois d’enquête auprès des deux parties en conflit dans ce dossier, celle-ci a considéré infondés les motifs de révocation présentés par la RATP. Les conclusions du rapport de l’inspecteur, rendues le 27 novembre sont limpides: « On ne licencie pas un travailleur pour faits de grève, même si ces faits sont constatés par un huissier ».
Pour rappel, Alexandre El Gamal était attaqué par sa hiérarchie sur deux fronts. D’abord, sa participation à des actions de grève dans le contexte de la lutte contre la réforme des retraites fin 2019 et début 2020. Sur ce point précis, la direction de la RATP est mise en échec puisque le droit de grève est constitutionnel, donc inaliénable et non opposable au gréviste, qu’il soit élu d’une ou plusieurs instances représentatives du personnel, ou pas. Ensuite, la RATP lui reproche, lors de la tenue d’une permanence syndicale au dépôt de Vitry-sur-Seine durant le premier confinement (de mars à juin) afin d’informer les salariés sur leurs droits spécifiques liés à la crise sanitaire, d’avoir eu un comportement agressif et d’avoir tenu des propos déplacés envers sa hiérarchie.
Les témoignages contredisent la version du directeur
Mauvaise pioche pour le directeur du dépôt de Vitry : les témoignages recueillis auprès des salariés rapportent, à l’inverse, une agression brutale dont il aurait été victime de la part de son directeur, lequel aurait même bousculé une table et arraché des drapeaux ou banderoles estampillés CGT avant de sommer le syndicaliste de quitter les lieux sur le champ. Sur ce deuxième volet de l’affaire, l’inspection du travail à conclu que le bénéfice du doute revenait aux salariés et à leur représentant syndical.
Éteindre toute contestation sociale
Le refus du licenciement d’Alexandre El Gamal est une bonne nouvelle dont nombre de syndicalistes se sont réjouis, dès vendredi 27 novembre, sur les réseaux sociaux. Pour autant, cette décision de l’inspecteur du travail n’est qu’une étape d’un long combat contre les discriminations syndicales à l’oeuvre depuis des années au sein de la RATP. Or, le dépôt de Vitry-sur-Seine n’est qu’un des nombreux établissements de la RATP où cette politique s’exerce.
Pour autant, la décision de l’inspection du travail, aussi étayée soit-elle, ne met pas un terme à une politique managériale visant à éteindre toute contestation, toute opposition aux décisions stratégiques prises unilatéralement par la direction et loin des instances de « dialogue social » de l’entreprise.
Criminaliser l’action syndicale dans un contexte d’ouverture à la concurrence
A ce titre, il convient de resituer dans son contexte la cabale menée contre Alexandre El Gamal et trois autres de ses collègues du syndicat CGT-RATP (Patrick, Yassine et François), toujours sanctionnés de mises à pied pour leur action à l'occasion de la grève contre la réforme des retraites. Et ce contexte est celui de l’ouverture à la concurrence de la RATP à l’horizon 2024. Un projet rejeté et combattu par l’ensemble des syndicats de la RATP et d’abord par la CGT qui, sur le dépôt de Vitry-sur-Seine, jouit d’une majorité de 67 % des voix aux dernières élections professionnelles.
Afin de tenter d’éteindre dans l'œuf les contestations prévisibles à venir, la RATP dispose donc de deux options : la première, classique, consiste à dissuader préventivement les salariés de s’opposer à son projet de démantèlement de l’EPIC-RATP en faisant du licenciement d’Alexandre El Gamal un exemple repoussoir. Dans ce cas, il faut s’attendre à ce que la direction de la RATP saisisse le ministère du Travail – elle dispose de 4 mois pour le faire – afin de passer outre la décision de l’inspecteur du travail du 27 novembre.
La RATP à la croisée des chemins entre acharnement ou renoncement
Ce serait le choix, que l'on n'ose imaginer, d'un acharnement antisyndical de la part de la RATP, laquelle aurait plutôt besoin de redorer son image suite aux accusations d’un présumé fichage illégal de ses salariés dont les procédures en justice sont en cours (voir article NVO » https://nvo.fr/la-cgt-94-denonce-le-fichage-illegal-de-milliers-dagents-divry-quai-de-seine/), tandis que par ailleurs, des plaintes pour harcèlement au travail se sont multipliées auprès du syndicat CGT.
Il serait donc plus raisonnable pour la Ratp de choisir la deuxième option : abandonner toutes les charges contre Alexandre El Gamal. D’une part, pour ne pas risquer un potentiel désaveu de la part du ministère du Travail et d’autre part, pour ne pas attiser la colère des salariés en cette période de transition vers la privatisation de la RATP.
Contre ce projet d’ouverture à la concurrence des lignes de bus, une journée de grève et de mobilisation est organisée le 17 décembre à Paris, à l’appel de 5 syndicats représentatifs de la RATP, dont la CGT aux premières loges avec la participation très attendue d’Alexandre El Gamal.
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