Renault veut abandonner la Formule 1 : surprise et colère à Viry-Châtillon
« Alors que le monde a les yeux rivés sur les Jeux olympiques de Paris et que les Français brillent par leur lot de médailles mettant le sport tricolore à l'honneur, la direction de Renault décide de liquider un pan de son histoire », souligne le communiqué de la Fédération CGT de la métallurgie (FTM-CGT) du 1er août 2024, au lendemain de l'annonce par le constructeur de la fin de la production des moteurs de Formule 1. Depuis 47 ans, les moteurs de véhicules de course sont développés et produits à l'usine de Viry-Châtillon (91), qui emploie aujourd'hui 334 salariés. Outre cette usine, un nombre important de fournisseurs et sous-traitants, dont 85% se situent en France, devront subir les conséquences de cette décision, et en premier lieu Mecachrome, qui est notamment en charge de l'assemblage des moteurs V6. Pour l'heure, difficile d'évaluer tous les impacts de cette décision qui n'est même pas encore passée devant les instances représentatives de personnel du groupe.
Effet de surprise
La décision prise par le directeur général de Renault Group, Luca de Meo, et son conseiller exécutif, Flavio Briatore, intervient en plein milieu des Jeux olympiques, mais aussi à un moment où beaucoup de salariés sont en vacances, période favorable à tous les mauvais coups patronaux, ce qui a de quoi susciter la colère : « L'annonce est faite au moment où les salariés partent en congés. Au niveau du groupe, nous l'avons apprise, non pas dans les instances, mais par la presse. La direction parle de plans de formation, mais on a vu comment ça s'est passé à Lardy (autre site en Essonne, NDLR). Les effectifs ont baissé et les plans de reclassement ne fonctionnent pas ! Les salariés de Viry sont des spécialistes, des passionnés de Formule 1. On va donc perdre des compétences extrêmement pointues », s'insurge David Leblond-Maro, délégué CGT du groupe Renault. Et de poursuivre : « On sent un malaise en ce moment. Entre le découpage de l’entreprise, ce qui se passe dans l'ingénierie, les pertes de compétences, l'arrêt du projet Twingo et l'activité même du technocentre de Guyancourt… La situation de Viry Châtillon participe de ce malaise. »
De Meo casse la vitrine
12 titres de champion du monde, plus de 170 victoires en qualité de motoriste, il y a peu, encore, Luca de Meo qualifiait Alpine F1 de « vitrine de Renault ». Et c'est un fait que les succès remportés au cours des décennies passées ont largement contribué au prestige et à la fierté de la firme au losange. L'investissement de Renault dans la Formule 1 a eu de multiples retombées concrètes pour les véhicules du quotidien. Des suspensions à l’ABS (anti-blocage des roues), en passant par les freins à disque, des technologies devenues courantes sont issues des recherches et du développement engagées pour la F1. La compétition sportive a ainsi permis d'immenses avancées en matière de sécurité, d'aérodynamisme, de fiabilité, de rendement et de résistance des moteurs. Enfin, la recherche actuelle préfigure des progrès sur les performances des batteries et de l'électrique. « Je suis persuadé que le moteur F1 peut être utilisé pour l'amélioration du quotidien des français, y compris en matière de développement durable puisque le Power unit est un moteur hybride et qu'il participe à un moteur plus propre qui sera développé dans les années à venir », souligne encore Jean-Marie Vilain.
Un retour qui ne laisse rien présager de bon
La FTM-CGT ne mâche donc pas ses mots pour dire tout le mal qu'elle pense de cette décision : « Nous sommes face à un désastre de gestion, conjugué à un retour de Flavio Briatore, en qualité de conseiller exécutif de l’équipe Alpine. (directeur des écuries Renault F1 Team de 2000 à 2009, l’homme d’affaires italien a été déclaré coupable de tricherie au Grand Prix de Singapour en 2008. Exclu du monde de la Formule 1, il sera par la suite blanchi par la justice française, NDLR). C'est lui d'ailleurs qui semble être à l'origine de cette décision, tel un fossoyeur… » Et de noter que Renault a clos l'année 2023 avec un résultat net à 2,2 milliards d'euros, ainsi qu'un chiffre d'affaires à 52,4 milliards d'euros, résultats qualifiés d'historiques. « Elle a donc largement les moyens de préserver son activité motorisation de Formule 1 », martèle la fédération CGT.
Les pouvoirs publics interpellés
L'écurie française de F1 serait prochainement motorisée par Mercedes. Au-delà des syndicats, certains élus locaux, ont fait savoir haut et fort leur désapprobation. C'est notamment le cas de Jean-Marie Vilain, maire de Viry -Châtillon qui a interpellé le président de la République et a demandé à rencontrer Luca de Meo et Philippe Krief, directeur général d'Alpine. « J'ai rencontré les représentants des salariés. Ils sont dans la défense d'une école de l'excellence et ne comprennent absolument pas cette décision, alors que le moteur pour la saison 2026 est déjà sur le banc d'essai et que deux à trois ans de travail seraient ainsi passés par pertes et profits », a écrit l'édile à Emmanuel Macron. Contacté par la NVO, Jean-Marie Vilain indique ne pas avoir encore reçu de réponse du président, mais des retours positifs de près de 200 élus, députés, conseillers généraux. De leur côté, les salariés, même s'ils ne sont pas tous rentrés de congés, sont alertés sur la nécessité d'une mobilisation. Chez Renault, des décisions d'actions pourraient être prises au cours de ces prochains jour pour une rentrée sur les chapeaux de roues.