Saisonniers : la voie de l’exode
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La reprise des activités s'est traduite par une pénurie de main-d'œuvre massive, à la montagne comme à la mer. « Quand tout s'est arrêté en 2020, les employeurs ont rechigné à déclarer leurs saisonniers en activité partielle, explique Antoine Fatiga, secrétaire du syndicat CGT des remontées mécaniques Alpes du Nord. Il a fallu lutter pour leur faire admettre que les dates habituelles d'embauche avaient valeur de contrat ». À l'arrivée, cette bataille portée par la CGT s'est soldée par un accord avec le patronat des Domaines skiables de France. Lequel a permis la mise en activité partielle de 71 % des saisonniers réguliers, qui ont pu bénéficier d'un revenu en attendant la reprise.
En revanche, pour les primo-arrivants qui n'avaient pas cumulé assez d'ancienneté et de droits au chômage pour tenir entre deux contrats, rien n'a été fait. En particulier dans le commerce et les CHR (cafés, hôtels, restaurants). Le patronat du secteur ayant refusé de les placer en activité partielle, ils ont migré vers les centres urbains pour bosser et ne sont pas revenus à l'heure de la reprise.
Illustration cocasse dans les CHR des villes phare de la « French Riviera » (Nice, Cannes, Antibes) qui multiplient les appels à l'embauche, y compris de migrants sans papiers, pour pallier l'émigration des saisonniers habituels. Un phénomène que la CGT avait anticipé, en vain. « Dès juin 2020, nous organisions les “Manifestations des petites flammes” sur la Croisette, avec cette idée de défiler à la lumière des smartphones pour inviter le patronat des CHR à ne pas laisser s'éteindre la flamme des emplois saisonniers et à soutenir ces salariés précaires, mais nécessaires, en refusant la “réforme” de l'assurance chômage », tance Ange Romiti (CGT-HCR Paca).
D'autant qu'à tous ces travailleurs vivant de bouts de contrats, la contre-réforme de l'assurance chômage a donné pour seule perspective un durcissement considérable de leurs conditions d'emploi et d'indemnisation entre deux saisons. « L'indemnité journalière va être divisée par quatre pour la plupart des saisonniers », alerte Antoine Fatiga à l'appui des calculs d'un logiciel – créé par Mathieu Grégoire, enseignant-chercheur spécialiste de l'assurance chômage –, qui vient d'être soumis pour validation à l'Unédic par la CGT Spectacle.
Intermittents ou saisonniers, la question de l'accroissement de la précarité du travail est plus que jamais d'actualité. Surtout depuis qu'elle percute aussi les employeurs et, par ricochet, l'économie de ces territoires dont le PIB est assis à au moins 50 % sur le tourisme, le commerce, la culture. Tributaires de la saisonnalité, ils sont désormais confrontés à ce défi majeur : se réinventer, loin de modèles dont la crise sanitaire a montré les limites. Exemple en Haute-Savoie où l'arrêt des stations de ski a remis au cœur des débats la question de l'avenir du tourisme en montagne et, avec elle, celles environnementale ; du travail en quatre saisons au lieu de deux, mais adossé à des contrats plus sécurisés que le CDD d'usage actuel ; de la nécessité d'en finir avec le gigantisme touristique ciblant des populations aisées, sous la pression des grands groupes hôteliers.
Élus locaux, monde associatif et syndical, défenseurs de l'environnement, chercheurs, commerçants… Ensemble, ils élaborent un projet d'une montagne pour tous, en toutes saisons, qui doit permettre aux visiteurs, aux résidents, comme aux saisonniers, d'y vivre et d'en vivre. Très impliqué dans ce projet, Antoine Fatiga l'assure : « C'est le bon moment pour opérer un grand virage, inventer un autre tourisme que celui de la station de ski, imposer d'autres moyens de transport que l'avion, d'autres activités que celles destinées aux publics à pouvoir d'achat. »
Pour concrétiser ces ambitions, la CGT propose de créer des « mini-Ceser » (conseils économiques sociaux et environnementaux) afin d'impliquer la société civile locale et d'organiser des assises de la montagne où les différents acteurs se réapproprieraient le devenir de leur territoire.
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