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AUSTÉRITÉ

Pour un service public de la culture

17 janvier 2018 | Mise à jour le 17 janvier 2018
Par | Photo(s) : DR
Pour un service public de la culture

Dressée place du Palais Royal, à Paris, une guillotine symbolise la mise à mort programmée du service public de la culture. Le 15 janvier, délégation et rassemblement de la FNSAC-CGT, soutenue par FO, le SYNDEAC et l'UFISC, ont dit à la ministre leur opposition aux projets dévastateurs du CAP 2022.

C'est une austérité qui ne dit pas son nom. Et pour cause : elle ne s'applique pas à tous et s'embarrasse encore moins d'équité. À l'image de la politique gouvernementale, qui creuse les inégalités entre les classes les plus défavorisées et les plus riches, les ministères sont sommés de réduire la voilure en raison d'un désengagement sans précédent de l'État.

Il est en effet annoncé que les investissements publics seront réduits de 26 milliards d'euros (État, collectivités et Sécurité sociale) et que 120 000 emplois seraient à supprimer d'ici 2022.

Bien sûr, le ministère de la Culture n'est pas le dernier à voir proposer que ses secteurs soient « vendus à la découpe », ses missions déléguées aux collectivités locales (avec quels moyens ?), quand elles ne sont pas cédées au privé ou carrément abandonnées !

L'audiovisuel public (voir NVO 3565, p.38-39) serait ainsi soumis à une véritable politique de destruction faute de moyens (moins 80 millions d’euros), qui ouvre un boulevard au privé, à ses milliardaires et leurs programmes bas de gamme. Suppression et fusion de chaînes ou d’antennes, basculement sur le Web, création d'une holding ne visant que des économies, licenciements secs sont au menu de ce grand démantèlement qui vise France Télévisions, Radio France, Arte, l'Ina, France Médias Monde…

Ciblé aussi, le CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée, dont la politique de soutien au cinéma français est enviée par nombre de pays), qui est vu comme archaïque… car créé en 1946 ! Où le jeunisme imbécile ne va-t-il pas se nicher à l'heure où notre pourtant si jeune président de la République continue, sourire commercial aux lèvres, sa politique de président des riches et de fossoyeur des biens communs ? On ne désespère pas de voir ainsi très vite considérer comme antédiluviens les congés payés (1936), le vote des femmes (1944), la scolarité obligatoire mettant fin au travail des enfants (1882) et bien sûr la Sécurité sociale (1945)… La machine à détruire, elle aussi, est « en marche ».

Fake news

La création culturelle, vue uniquement comme une variable d'ajustement, sera de même revue à la baisse, avec, entre autres, la réforme (comprendre « la suppression ») des aides aux compagnies sur des critères plus qu'opaques. Pour mémoire, en juillet 2017 la ministre Françoise Nyssen déclarait que ces économies « ne touchent en rien la création », et que cette baisse n’affectait « pas le soutien au spectacle, ni les politiques culturelles »… Sans doute une fake news ?

Les « opérateurs nationaux » (Comédie-Française, Opéra national de Paris, Orchestre de Paris, Ensemble intercontemporain) devraient, pour les uns voir remis en cause leurs conventions collectives, leurs régimes spéciaux de retraite, pour les autres être « fusionnés ».

Les Archives nationales, malmenées depuis si longtemps, vues au mieux comme un ramassis de papiers poussiéreux, sont également visées. D'après la ministre, « La politique des archives est trop coûteuse car visant à l'exhaustivité ». Ce à quoi CGT-Archives, CFDT-Archives et Conseil supérieur des archives répondent ensemble : « Non, Madame la ministre, le budget consacré à la politique archivistique n'est pas trop coûteux puisqu'il ne représentera en 2018 que 3,5 % de celui du programme Patrimoines de la Mission Culture, soit 1 % du budget du ministère de la Culture qui lui-même représente moins de 1 % du budget de l'État… »

Un gadget ne remplace pas une politique

Amenée pendant la campagne présidentielle comme « l'idée géniale » (autoproclamée) du candidat Macron, le Passe culture attribuant à chaque jeune atteignant 18 ans une somme de 500 euros à dépenser pour l'achat de produits culturels (en ligne et via une application téléphone) est vue par les professionnels de la culture comme une fausse bonne idée.

En effet, c'est réduire la culture à une simple dépense sans qu'elle soit accompagnée d'aucune médiation culturelle tendant, par exemple, à faire découvrir un nouveau domaine culturel à ses bénéficiaires. Pour un coût estimé à 450 millions d'euros, cette mesure ne constitue ni une politique culturelle ni une mesure d'équité (aucune condition de ressources) et cet argent public risquerait fort d'être dépensé en faveur des mastodontes du Net, ceux-là même qui rechignent à contribuer financièrement au projet (mais qui ne le feront sans doute pas sans contrepartie) ou à payer leurs impôts en France…

Il est à noter qu'un système similaire expérimenté en Italie (le bonus cultura) a donné lieu à un véritable marché noir avec reventes, spéculation et fraudes…

Organiser la résistance

Les professionnels de la culture n'entendent pas rester silencieux. Et comme ils l'ont fait en s'opposant parmi d'autres à la loi travail et aux ordonnances Macron, ils ont appelé lors de ce premier rassemblement à s'organiser et à amplifier la mobilisation contre cette politique.

Emblématique, la répression contre Loïc Canitrot (de la Compagnie Jolie Môme) accusé (sans preuve) de violence lors d'une action contre la loi travail au siège du Medef en juin 2016 et cité à comparaître le 25 janvier à 8 heures au palais de justice de Paris.

Lors du rassemblement au Palais-Royal, le comédien a rappelé que l'intimidation à son égard s'inscrit dans le cadre plus vaste de la répression à l'encontre de tous ceux qui s'opposent à l'injustice sociale « en marche » et la délégation a appelé au rassemblement de soutien à Loïc le 25 janvier.