À Paris, les livreurs à deux-roues se dotent d'un syndicat CGT
Le premier syndicat CGT des entreprises de livraison deux-roues de Paris vient d’être créé, samedi 26 juin. Avec cette ambition : doter tous les travailleurs des... Lire la suite
Il s'agit notamment des services de commandes en ligne, de repas ou de voitures avec chauffeur (VTC) comme Uber. Or, depuis l'apparition de ces entreprises, il y a une dizaine d'années, l'exécutif bute sur un sujet : le statut de leurs travailleurs. Confortés par plusieurs décisions de justice, les syndicats revendiquent que les chauffeurs, livreurs et coursiers soient tout simplement salariés. Eux, veulent surtout bénéficier des protections liées à ce statut.
Quant aux plateformes, elles les font travailler en tant que microentrepreneurs, les considérant comme indépendants au motif qu'ils sont libres de leur temps et de se connecter quand ils le veulent. Après avoir longtemps tourné autour du pot (loi Travail de 2016 ou loi d'orientation des mobilités de 2019), le gouvernement entend trancher la question via une large concertation inscrite à l'agenda social. C'est dans cette perspective que, le 2 décembre 2020, l'ancien président de la chambre sociale de la Cour de cassation, Jean-Yves Frouin, a remis au Premier ministre un rapport intitulé : « Réguler les plateformes numériques de travail ».
Autant le dire, ces plateformes numériques ne cherchent pas à satisfaire aux obligations de notre droit social. Fruit de près de deux siècles de luttes et de négociations entre le travail et le capital, celui-ci encadre la relation de travail entre salariés et employeurs, et cherche à limiter les effets des aléas de la vie sur les personnes (maladie, accident, invalidité, vieillesse, chômage, précarité…).
Deux statuts sont reconnus pour le travailleur : salarié ou indépendant. Mais en remettant au goût du jour le travail payé à la tâche du XIXe siècle, les plateformes numériques ont réactivé le spectre de la fin du salariat. Celui-ci a beau être très largement majoritaire dans le pays, la constante dégradation des emplois inquiète. Désormais, aux temps partiels et contrats courts contraints s'ajoute un microentreprenariat contraint massif.
Pour le gouvernement, l'objectif est double : ne pas entraver l'activité économique des plateformes, dont les services sont appréciés des consommateurs, et protéger leurs travailleurs qui vivent souvent dans une grande précarité. Le soin de trouver cette solution médiane a été confié à la mission Frouin.
Jean-Yves Frouin en convient : « Les travailleurs qui se connectent aux plateformes […] sont en réalité privés dans leur activité des prérogatives essentielles à leur indépendance. Ils ne choisissent ni le client ni les conditions d'exécution de la prestation. » Pour autant, le magistrat écarte la piste de la reconnaissance du salariat et celle de la création d'un tiers statut entre le salarié et l'indépendant.
La première était exclue par le gouvernement qui suggérait plutôt la seconde. Frouin préconise le « recours » par ces travailleurs « à un tiers pour les salarier », une entreprise de portage salarial ou une coopérative d'activité et d'emploi (CAE). Ils bénéficieraient ainsi des avantages qui leur font défaut (régime général de la Sécurité sociale, assurance chômage, accès facilité au logement…), tout en continuant à toucher un pourcentage sur leurs courses.
Bref, une usine à gaz qui permet aux plateformes d'échapper à leur responsabilité sociale et n'apaise en rien les inquiétudes sur l'avenir du travail. La mission Frouin avait d'ailleurs comme autre objet d'explorer « l'opportunité d'instaurer un socle de droits communs à l'ensemble des travailleurs » à l'ère du numérique, précise le magistrat. Détricoter les droits demeure une tentation bien vivace.
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