Exigences démocratiques
Depuis plusieurs mois, la mobilisation contre le projet de loi « travail » bat son plein. Malgré l'opposition de 70 % des Français exprimée dans les sondages, la mobilisation déterminée de centaines de milliers de salariés, la seule réponse du gouvernement est le recours au 49.3 pour passer en force.
Tout le monde a bien compris que l'application de ce projet engendrerait un formidable recul des droits des salariés en réponse aux revendications patronales, qui ne datent pas d'aujourd'hui. La hiérarchie des normes garantissant qu'une convention collective est plus protectrice que la loi et que l'accord d'entreprise est meilleur que la convention collective constitue le socle du droit du travail en France.
Sa remise en cause en accordant la primauté aux accords d'entreprise, au-delà du fait qu'elle entraînerait un dumping social au niveau des entreprises d'un même secteur professionnel, exacerberait la mise en concurrence des salariés. L'idée du patronat selon laquelle il faudrait faciliter les licenciements pour favoriser l'embauche est parfaitement fausse, nous l'avons déjà vérifié avec la suppression de l'autorisation administrative de licenciement à l'époque du père de Pierre Gattaz.
Dans le même temps, la négociation sur l'assurance chômage est prise en otage par le patronat dans l'attente de voir ce qui sortira du débat parlementaire sur la loi « travail ». Cet épisode montre combien le dialogue social est mal en point dans notre pays. Combien la démocratie sociale est malade de pratiques qui tournent le dos aux exigences démocratiques exprimées de plus en plus fortement par les citoyens, notamment à travers les initiatives du type Nuit debout et au-delà. Oui, il est temps d'inverser l'ordre des priorités du gouvernement pour répondre aux revendications des salariés, en commençant par retirer le projet de loi « travail ».
Par Éric Aubin, membre de la commission exécutive de la CGT
Paru dans Ensemble N°89 / juin 2016