8 juillet 2020 | Mise à jour le 8 juillet 2020
Commanditée par la CGT et confiée à trois chercheurs de l'Ires, une enquête sur l'évolution des droits à l'indemnisation des chômeurs nous éclaire sur la visée des politiques de l'emploi menées de 1979 à 2019. L’occasion de poser trois questions à Denis Gravouil, chef de file de la CGT pour les négociations de l'assurance-chômage.
Dans quel but la CGT a-t-elle commandité cette étude ?
Nous avions besoin d'une recherche scientifique qui permette d'objectiver l'évolution des droits des chômeurs et de l'assurance-chômage sur une longue période, pour pouvoir donner un aspect incontestable à l'analyse de l'évolution de ces droits.
Chaque négociation que j'ai vécue, en 2014, 2016, 2017, 2018 et 2019, s'est soldée par ce que nous, la CGT, considérons comme des échecs. On avait donc besoin de rendre très concrètes des données relatives aux allocataires et à l'évolution de leurs droits.
Que retenez-vous de cette étude ?
La CGT avait déjà tenté de mettre en lumière le fait que depuis les années 2010-2011, les personnes « dans le collimateur » des réformes des conventions chômage étaient prioritairement les travailleurs précaires, ceux qui passent sans cesse du travail au chômage – selon la formule de l'Ires, « en travail discontinu ».
Cette étude démontre que ces catégories ont bien été ciblées. Et que ce ciblage est le fruit d'un discours construit par le patronat – et hélas rejoint par les signataires des réformes successives –, qui véhicule l'idée que ces travailleurs-là sont responsables de leur situation de précarité, voire qu'ils ont choisi d'être dans l'emploi discontinu. En réalité, à chaque « réforme », ceux-là ont perdu une part importante de leurs droits. On le savait, maintenant c'est prouvé.
Quel usage comptez-vous faire de cette étude ?
En premier lieu, nous appuyer sur ce qu'elle montre pour déconstruire le discours néolibéral vis-à-vis du chômage. À commencer par celui du président Emmanuel Macron, pour qui tout emploi est bon à prendre, même déqualifié ou s'il s'agit d'un contrat de deux heures rémunéré au Smic.
C'est l'argument qui prétend justifier l’abaissement des droits des précaires en leur renvoyant la responsabilité de leur situation et en exemptant les employeurs des leurs. Alors que ce sont ces derniers qui généralisent les emplois de plus en plus courts et tentent d'installer l'idée que les précaires optimiseraient leur précarité à travers l'assurance-chômage.
Ensuite, nous voulons continuer de dénoncer comme inacceptable la « réforme » de 2019, dont l'ensemble des syndicats exige le retrait. Elle l'était déjà avant la crise sanitaire, elle l'est d'autant plus aujourd'hui face à l'effet de ciseaux résultant de l’aggravation du chômage et de nouvelles mesures de réduction des droits.