6 décembre 2014 | Mise à jour le 18 avril 2017
Si l'œuvre picturale de Joseph Mallord William Turner (1775 – 1851) célèbre la lumière, la nature et les éléments, sa vie fut empreinte de zones plus sombres. C'est entre ces contrastes que le réalisateur britannique Mike Leigh signe « Mr Turner » qui nous conte les deux dernières décennies de la vie de l'artiste.
Nous y découvrons un homme dans la force de l'âge, empâté, laid et grognant plus qu'il ne parle, mais animé d'une sorte de feu intérieur qui ne s'exprime que sur la toile. Dessinateur acharné sur le motif, Turner peint dans son atelier, alors secondé par son père qui, malgré sa mauvaise santé, lui est entièrement dévoué. On sent un attachement profond entre les deux hommes dont on comprend, à la mort du père, quel lourd passé les lie.
Aussi maladroit, balourd et peu gracieux qu'il soit dans sa vie quotidienne –et notamment dans son rapport à la gent féminine-, Turner est un hypersensible et un travailleur acharné qui ne cesse d'arpenter la campagne anglaise, les bords de mer et au-delà, l'Europe. Toujours en quête d'inspiration, il semble animé d'une vision qu'il jette sur la toile avec fougue et sans s'embarrasser des conventions dont la société anglaise est alors corsetée.
Admis dès l'âge de quatorze ans à la Royal Academy of Arts, Turner y règne en maître, à la fois craint, admiré, jalousé et parfois source de conflit par ses manières iconoclastes. S'il n'est pas un gentleman dans son apparence et son comportement, c'est peut-être, comme le suggère Mike Leigh, dû à de profondes blessures d'enfance et à des sentiments refoulés. Il se libère dans ses toiles d'avoir été un enfant malheureux, un compagnon désastreux, un amant brutal et un père inconséquent.
Grâce au superbe travail du chef opérateur, Dick Pope, il nous semble parfois voir les toiles de Turner s'animer et prendre vie sous nos yeux et la reconstitution d'époque est parfaite jusque dans ses moindres détails. On y voit aussi Turner s'intéresser aux innovations de son temps : le train, la photographie, l'exploration du spectre lumineux.
Turner fut sans doute l'une des précurseurs de l'impressionnisme puisque le tableau de Monet « Impression, soleil levant », ne fut peint qu'en 1872, soit trois décennies après la mort du peintre anglais. Turner ouvrit aussi, sans le savoir, la porte à l'art abstrait, s'attachant dans ses œuvres à peindre à la limite des formes, privilégiant la lumière. Il est incarné ici d'une manière bouleversante, à la fois puissante et subtile par ce formidable comédien qu'est Timothy Spall.
« Mr Turner ».
Réalisé par Mike Leigh.
2h 30