23 mars 2017 | Mise à jour le 23 mars 2017
À première vue, rien de très sexy dans un récit sur le transport intermodal d'un conteneur réfrigéré surnommé Papa Zoulou… Sauf que la plume ironique du romancier québécois Nicolas Dickner pointe, avec Six degrés de liberté, les ambiguïtés et contradictions d'un monde global et hyperconnecté.
Lisa, Eric, Jay sont à la frontière. Géographiquement pour les deux premiers, des ados qui vivent au Québec dans un parc de maisons mobiles, socialement pour Jay, ancienne pirate informatique qui purge une peine d'intérêt général comme analyste pour la Gendarmerie royale du Canada.
Lisa, très manuelle, seconde son père dans la rénovation – un brin obsessionnelle – de bâtiments, Eric vit confiné dans sa chambre, rivé à son ordinateur, et concocte avec Lisa de mystérieuses expériences. Alors que la mère d'Eric décide de suivre son compagnon au Danemark, le père de Lisa commence à montrer des signes de maladie d'Alzheimer à évolution rapide et les ados vont devoir se séparer.
Pour tromper son ennui, Jay s'amuse pendant ce temps à suivre les pérégrinations d'un conteneur « furtif » baptisé Papa Zoulou, qui semble déjouer toutes les tentatives de traçabilité.
Un lien existe-t-il entre ces protagonistes décalés, aussi mystérieux et insaisissables que Papa Zoulou, et l'errance de ce fameux conteneur ? Leurs étranges manies et celles de leur entourage ne révèlent-elles pas le grand vide d'existences qui se réfugient dans le virtuel par peur de se colleter à une réalité aliénante ?
Loin de se livrer à une thèse sociologique, Nicolas Dickner réussit avec humour et légèreté à provoquer l'empathie du lecteur et à le captiver en lui parlant de visites chez Ikea, de conteneurs remplis de coussins ou de bananes, de transport maritime, d'informatique, de ballons-sondes, de six perruches et de damer le pion à la surveillance mondiale…
Si la fin de son roman est un peu tirée par les cheveux, les quelques degrés de liberté qu'il accorde à ses personnages ouvrent néanmoins une porte sur l'espoir.