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Europe

Un livre pour comprendre la spécificité du régime hongrois

13 septembre 2019 | Mise à jour le 13 septembre 2019
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Un livre pour comprendre la spécificité du régime hongrois

Comment le régime que Viktor Orbán, qualifié d'illibéral, s'est-il installé et enraciné en Hongrie ? Quelle est la spécificité de l'extrême droite hongroise et, au-delà, de celle issue de l'ancienne Europe de l'Est ? Le livre d’Amélie Poinssot nous permet d'y voir plus clair.

Régimes autoritaires, restrictions du champ de la démocratie, politiques nationalistes et anti-migrants… En Hongrie, comme en Pologne, les droites extrêmes ou extrêmes droites sont arrivées au pouvoir et s'y enracinent.

Avec des conséquences graves pour leur société, pour les droits des citoyens et notamment ceux des travailleurs. Mais aussi pour l'Europe elle-même.

Pourtant, à Budapest, le Premier ministre Viktor Orbán, a su se faire réélire à la tête de la Hongrie, qu'il dirige d'une main de fer depuis 2010, et où sa politique a généré une société très clivée.

Comment comprendre la spécificité de ces régimes, de leurs idéologies, de leurs pratiques ? D'où vient Viktor Orbán ? Comment a-t-il construit sa popularité en Hongrie, un pays de 10 millions d'habitants, membre de l'UE depuis 2004 ?

Quelle est sa vision de l'Europe ? C'est à ces questions que répond le livre, très documenté, d'Amélie Poinssot, Dans la tête de Viktor Orbán. Un ouvrage qui s'inscrit dans la collection très bien venue d'Actes Sud, avec des ouvrages de même nature sur Vladimir Poutine, le pape François, Marine Le Pen, Xi Jiping, Recep Tayyip Erdoğan, Bachar al-Assad…

Propagande nationaliste et politique ultraconservatrice…

C'est d'abord le « ciment anticommuniste », selon les mots de l'auteure, qui fait la spécificité de régimes comme celui de Budapest, nés après la chute du mur. Mais si Viktor Orbán, orateur audacieux, a d'abord émergé en défendant les libertés, la société civile, le pluralisme, et en réclamant le départ des troupes soviétiques, il a ensuite consolidé son pouvoir avec son parti, le Fidesz, en développant une propagande nationaliste.

Affirmant que « ce n'est pas à une politique de redistribution sociale que les gens s'identifient, mais à l'histoire de leur pays », et construisant un narratif national qui réécrit l'histoire, en glorifiant les « racines chrétiennes » du pays, mais aussi de tout le continent.

En refusant aussi tout accueil des réfugiés voués à la vindicte populaire, et prenant à son compte une vision sociétale ultraconservatrice  (qu'il s'agisse du mariage, des droits des femmes…), qu'il dénonçait pourtant autrefois.

… au profit du patronat

Pour ce faire, Viktor Orbán a muselé tous les contre-pouvoirs, comme la presse, mis sous contrôle le système judiciaire, restreint le rôle du Parlement.

Lui, se revendique « illibéral ». Sa politique économique et sociale, elle, se fait en réalité ultralibérale, au plus grand bénéfice du patronat, qu'il s'agisse de l'organisation ou du temps de travail, ou du droit lui-même.

Il en va ainsi de la loi qualifiée par l'opposition et les syndicats d'« esclavagiste », qui « fait passer le seuil annuel d'heures supplémentaires dans les entreprises de 250 à 400, avec une latitude pour l'employeur de ne les payer qu'au bout de trois ans ».

En Europe, Orbán en croisade

Nationaliste, Viktor Orbán n'en est pas moins européen. En partie parce que la Hongrie, devenue membre de l'UE en 2004, est bénéficiaire nette de l'aide financière de l'Union.

Mais aussi parce qu'il y défend une vision du monde et de la place qu'y occupe l'Europe semblable à celle qu'il déploie en Hongrie. Son credo : une Europe chrétienne, qu'il dit menacée par les migrants, et dont il se présente comme le défenseur suprême.

Dès lors, il n'a que faire des mises en garde des eurodéputés ou de la Commission européenne contre ses violations des « valeurs fondatrices » de l'UE.

D'autant que toute éventuelle condamnation suppose l'unanimité des États membres, et que Budapest jouit, notamment, du soutien de Varsovie. Au point que Jarosław Aleksander Kaczyński, le chef du PiS (Droit et justice) au pouvoir en Pologne, l'a pris pour modèle.

Érigeant des murs idéologiques autant que réels aux frontières du pays, l'homme fort de Budapest se veut aussi en croisade en Europe. Dont il entend faire basculer le centre de gravité vers l’Europe centrale.

Pour autant, ami ou allié de Donald Trump, de Jair Bolsonaro ou de Benyamin Netanyahou (lequel amnistie les campagnes électorales d'Orbán fleurant l'antisémitisme pourvu qu'il défende la politique d'Israël), Viktor Orbán entend se distinguer des extrêmes droites d'Europe de l'Ouest, comme le RN en France, même s'il a pu flirter avec Mattéo Salvini quand celui-ci était au pouvoir en Italie.

Car, en dépit de sa propre politique, il ne juge pas l'ex-FN assez fréquentable, même s'il a avec lui des affinités idéologiques et des contacts importants.

Alors que l'ex-FN s'est lancé dans une entreprise de « dédiabolisation », le Fidesz, le parti de Viktor Orbán, fait au contraire dans la surenchère. Mais il entend rester membre du Parti populaire européen (PPE), c'est-à-dire de la droite classique européenne qui le cautionne.

Les résistances s'organisent

Les mobilisations contre la loi « esclavagiste » indiquent-elles le début d'un changement dans la société hongroise ? Elle a permis en tout cas la convergence de nombreux secteurs de la population. Après des années à la tête du pays, le Fidesz doit aujourd'hui affronter des oppositions actives, pour la première fois.

 

NVO, la Nouvelle Vie Ouvrière, le journal de l'actualité sociale, syndicale et juridique des militants de la CGTDans la tête de Viktor Orbán Amélie Poinssot. Actes Sud, 2019, 182 pages, 19,50 euros

 

En Hongrie, les salariés manifestent contre des « lois esclavagistes »