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SALAIRE

Un vent de protestation souffle sur Air Liquide

17 janvier 2022 | Mise à jour le 17 janvier 2022
Par | Photo(s) : JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP
Un vent de protestation souffle sur Air Liquide

Usine Air Liquide de Fiéville-Devant-Nancy

Arrivé au bout de sa politique de modération salariale, le géant français de l’air et du gaz, Air Liquide, est appelé à oxygéner les NAO en cours. Et à redonner du souffle aux salaires.
Coté pile, des profits somptueux, de l’ordre de 2,5 milliards d’euros de résultat net en 2020 et pour 2021, un chiffre d’affaires vertigineux de 20 milliards d’euros. Un jackpot pour les actionnaires du leader du gaz et de l’air qui s’accaparent 60 % de ces belles recettes, selon une tradition de répartition de la richesse instituée de longue date au sein de cette multinationale.
Coté face, quelques 13 000 salariés (en France), essentiellement des cadres (Bac + 2 minimum exigé à l'embauche) qui réclament leur part du gâteau et qui, dans le cadre des négociations annuelles obligatoires (NAO), revendiquent une revalorisation générale des salaires permettant de couvrir au moins l’inflation (de 2,8 % pour 2021, selon l’Insee), mais aussi de récompenser les efforts fournis durant la pandémie.
Mais les négociations sur les salaires ouvertes début décembre et qui doivent s’achever fin janvier patinent. « On nous annonce 1,9 % d’augmentation générale, mais il faut ramener ce chiffre à 1,6 % puisqu’il faut déduire de cette enveloppe la prime d’ancienneté et y ajouter l’inflation, on est donc très loin du compte et les salariés n’en sont pas dupes » , explique Jean-Michel Poupon, délégué central CGT d’Air Liquide.

Colère solide chez Air Liquide

Feux de palettes à l’entrée des sites, camions d’approvisionnement bloqués à l’entrée des usines, filtrage des salariés, rares, souhaitant se rendre à leur poste de travail.. Dans les quelques 22 usines d’Air Liquide, la colère s’exprime solide. Dans les branches industrielles où, depuis deux ans, les salariés ont accepté toutes les contraintes d’organisation du travail liées à la gestion de la crise sanitaire. Mais aussi dans la section médicale – celle qui assure les soins à domicile où les salaires plafonnent au mieux à 1500 euros net par mois, c’est à dire au pied du minimum légal de la convention collective de branche.

Une mobilisation poussée par les salariés et partie pour durer

Bref, la situation est devenue inacceptable pour une majorité de salariés qui n’ont pas attendu l’appel de leurs syndicats pour se mobiliser. « Ce sont eux qui sont venus nous solliciter pour qu’on soutienne et encadre leur mobilisation et leur grève » , explique Jean-Michel Poupon – délégué central CGT – qui considère que cette grève, d’une ampleur inédite chez Air Liquide, est partie pour durer. Au point de devoir prévenir la DREAL (Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et du Logement) ainsi que l’inspection du Travail: « On est soumis à des procédures de plan d’opération interne (POI) qui nous obligent à alerter sur l’insuffisance de personnels et de compétences pour assurer le pilotage des sites dans le respect des normes Seveso » , explique-t-il. A sa décharge, il faut savoir que sur ce type de sites industriels , les salariés sous-payés restent malgré tout soumis à une responsabilité pénale en cas d’incident industriel. En réponse à ces carences de personnels induites par la grève et très problématiques sur le plan de la sécurité, la direction d’Air Liquide assure avoir repris la main sur le pilotage des sites; mais sans forcément disposer des compétences minimales nécessaires à cet exercice, selon les normes Seveso. Entre recours à des intérimaires improvisés et ventes de son paquet d’actions pour un montant de 36,4 millions d’euros courant décembre – six mois avant d’annoncer son intention de quitter le navire – le P-dg d’Air Liquide, Benoît Potier, parait aujourd’hui plutôt motivé par un intérêt personnel. Et déterminé à liquider – à moins qu’il n’espère les gazéifier – celles et ceux qui ont été et sont toujours en première ligne de cette entreprise, leader en son domaine, qui ont largement contribué à sa prospérité.

Individualiser pour mieux diviser

Depuis 1996 au moins, Air Liquide rechigne à se plier à l’exercice des NAO et à consentir des augmentations générales des salaires. Privilégiant des augmentations individuelles « à la tête du client » et des abondements en plans d’épargne retraite (PERCO), « qui ne sont pas du salaire » , tient à souligner Jean-Michel Poupon, Air Liquide a longtemps joué la carte de l’individualisation des rémunérations (des primes et avantages en nature en guise d’augmentation du pouvoir d’achat) et ce, afin d’émietter les revendications portées par les syndicats. Sans compter que par ce truchement, la direction favorise  la division entre catégories de salariés. Or, c’est bien cette politique de modération salariale généralisée qui est aujourd’hui contestée par les salariés qui, eux, revendiquent une augmentation générale d’au moins 5 %, voire de 7 à 8 % pour les filiales « Santé », en sus des augmentations individuelles. Bien déterminés à rester en grève, ils comptent investir massivement la journée de mobilisation interprofessionnelle et nationale sur les salaires du 27 janvier, à l'appel de la CGT, FO, Solidaires et la FSU.