À quelque temps du sommet de printemps à Bruxelles et des élections au Parlement européen, le mouvement syndical européen se mobilise pour ouvrir « une nouvelle voie pour l'Europe ». Le 4 avril, une manifestation européenne sera l'occasion de porter les propositions alternatives de la CES pour une relance économique par l'investissement et pour l'emploi.
C'est un printemps social qui s'annonce en Europe. Et pour cause ! « Nous, mouvement syndical européen, ne croyons pas que la crise est terminée. Les derniers chiffres en matière de chômage montrent que l'Europe a besoin d'une nouvelle voie pour sortir de la crise », estime la Confédération européenne des syndicats (CES). Et « la nouvelle voie pour l'Europe » que la CES propose s'appuie sur une campagne ambitieuse, développée dans la durée autour de plusieurs temps et objectifs forts : l'euromanifestation du 4 avril, le plan d'investissement pour l'Union européenne (UE) basé sur une politique industrielle durable et des emplois de qualité, ainsi que le manifeste pour les élections au Parlement européen.
L'austérité toujours au rendez-vous
« Cinq ans après le début de la crise, les citoyens européens souffrent encore du fait des incertitudes économiques et sociales, indique le CES. Chômage, travail précaire, inégalités et pauvreté ruinent la vie de nombreuses personnes. »
Le résultat de politiques d'austérité et de rigueur budgétaire qui ne sont, malgré le faible taux de croissance, voire la récession à l'œuvre dans certains pays, toujours pas remises en question. À en croire la Commission européenne, le taux de croissance de l'UE serait à peu près nul en 2013. Selon Frédéric Imbrecht, dirigeant de la CGT en charge des questions européennes, « il faut maintenant arrêter l'austérité, les politiques de déréglementation du marché du travail qui se traduisent par une course effrénée à la baisse du coût du travail, au dumping social, à la mise en concurrence des États entre eux ».
Certains dirigeants parlent de sortie de crise, mais concrètement, les Européens n'en voient pas le bout et on est encore dans ce que certains qualifient déjà de « décennie perdue ». La CES a donc décidé d'apporter des perspectives de réflexion à plus long terme et engagé une campagne visant « à orienter l'UE vers une autre direction ».
Pour un plan d'investissement
Aussi, le 7 novembre 2013, le comité exécutif de la CES votait une résolution précisant les termes d'un vaste plan d'investissement pour l'Europe, un élément clé de la campagne. Il s'agit de préciser les termes possibles d'une relance économique qui permette de renouer avec une croissance durable et des emplois de qualité.
Le principe de base est le suivant : la CES propose un objectif d'investissement annuel complémentaire de 2 % du PIB européen pendant dix ans. « Cela aurait pour effet supplémentaire de stimuler de nouveaux investissements privés et de favoriser une modernisation de grande ampleur du secteur privé », précise-t-on. 1 000 milliards d'euros ont été dépensés pour sauver le secteur financier, la même somme est chaque année perdue du fait de l'évasion et la fraude fiscale, la CES estime donc possible de dépenser 250 milliards annuels pour l'emploi productif.
Les mots d'ordre :
Investissements, emplois de qualité, égalité
De quels investissements s'agit-il ? Leur affectation pourrait être basée sur les anciennes priorités de l'UE et de la Banque européenne d'investissement (BEI), soit la transition énergétique et écologique, les réseaux et infrastructures de transport, l'éducation et la formation, le développement des réseaux à large bande, l'avenir industriel, les services publics et privés, les infrastructures et les logements, la gestion durable de l'eau. Selon les termes de ce plan, « les projets d'investissements à l'échelle européenne doivent être développés conjointement avec les projets d'investissements nationaux ». En effet, la dimension européenne de l'investissement est primordiale.
Pour Frédéric Imbrecht, « face à cette crise européenne spécifique, on a besoin de solutions européennes fortes, coordonnées et solidaires. C'est tout le sens de cette exigence d'investir maintenant qui permettra aux Européens de sortir tous ensemble de la crise au lieu de continuer à s'y enfoncer ».
Une autre vision de l'Europe
Voilà qui renvoie au manifeste de la CES pour les élections au Parlement européen. Du 22 au 25 mai prochain, les citoyens européens passeront par les urnes pour élire leurs représentants au Parlement de Strasbourg. Les députés y siégeant ont le pouvoir d'approuver ou rejeter les lois européennes, de décider le budget et de choisir le président de la Commission européenne. À ce titre, les grands enjeux de ces élections concernent évidemment le rejet de l'austérité, du dumping social, des attaques contre les droits des travailleurs et de la protection sociale. C'est pourquoi la CES appelle « les citoyens à voter pour des candidats qui changeront la façon dont l'UE est dirigée » et propose « une autre vision pour une Europe prospère et socialement inclusive ». Le manifeste est assis sur cette vision qui rejoint le « contrat social pour l'Europe » lancé par les dirigeants de la CES en juin 2012.
Rendez-vous le 4 avril
Pour porter haut et fort le plan d'investissement, le manifeste et, plus généralement, cette autre vision pour l'IJE, une manifestation européenne se tiendra le 4 avril. Les mots d'ordre ? Investissements, emplois de qualité, égalité. Tandis que les dirigeants de l'UE préparent leur sommet de printemps, le syndicalisme européen hausse le ton pour obtenir un véritable changement de cap. Comme l'a souligné Frédéric Imbrecht, « toutes les organisations syndicales membres de la CES ont décidé d'appeler à manifester partout en Europe et en particulier à Bruxelles ». Pas de voix discordantes, pas d'atermoiements. Les temps ont changé. « La dimension sociale de l'UE est extrêmement faible, estime la CES, les citoyens ne sont pas d'accord avec la voie choisie par l'UE. Ils ne verront pas une telle Europe avec bienveillance si elle ne change pas de cap. » Car les dirigeants continuent à « ébranler le projet européen en prolongeant la crise financière et sociale et en s'aliénant des millions de personnes à travers toute l'UE ».
8 000 militants de la CGT iront manifester à Bruxelles, tandis que partout dans les départements français, des actions auront lieu pour porter des propositions alternatives de la CES face à la crise et l'austérité. Les régions et les fédérations sont d'ores et déjà largement impliquées dans le travail de mobilisation. « En France, c'est dans un contexte intersyndical et européen que se déroulera cette journée », explique Marie-France Boutroue, responsable du pôle Europe à l'espace international de la CGT. Elle s'inscrit dans la continuité des différentes journées d'action de ce début de printemps et permettra de diffuser largement les différents axes du plan d'investissement de la CES qui gagnera ainsi en crédibilité ».
Printemps de mobilisations
Lors de la conférence de presse du 6 mars, le secrétaire général de la CGT appelait en effet à un printemps de mobilisations pour le progrès social, estimant que « le cadre européen est pertinent pour promouvoir un plan de relance des investissements industriels ». Selon lui, la campagne de la CES dans laquelle la CGT est engagée est « une réponse de progrès social aux exigences libérales que la Commission voudrait continuer d'imposer à tous les peuples d'Europe ». Thierry Lepaon a également brossé les grandes lignes du prolongement de la mobilisation européenne du 4 avril : « Nous allons prendre des initiatives dans les territoires pour valoriser les propositions d'investissements industriels et mettre en avant les liens indispensables entre les services publics, la recherche, la formation, la santé et le développement de l'emploi industriel. » Un printemps de mobilisations coordonnées en Europe.