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ASSURANCE CHÔMAGE

Une réforme de l’assurance-chômage édulcorée pour la circonstance, mais telle qu’en elle-même

29 janvier 2021 | Mise à jour le 29 janvier 2021
Par | Photo(s) : Vincent Isore/IP3
Une réforme de l’assurance-chômage édulcorée pour la circonstance, mais telle qu’en elle-même

Toujours bien décidé à modifier les règles d'indemnisation des demandeurs d'emploi, malgré la crise, le gouvernement tente de convaincre les syndicats en leur soumettant quelques aménagements censés atténuer la réforme. Vents debout, ces derniers demandent unanimement son annulation.

À part la volonté de se tailler une réputation de réformateur tout terrain en vue de la présidentielle de 2022 et d'étoffer son bilan, rien n'explique pourquoi Emmanuel Macron, le chef de l'État refuse de remiser sa très contestée réforme de l'assurance chômage.

Dans cette logique, compte tenu du contexte de crise actuel, il devient donc impératif pour l'exécutif de trouver une solution qui rende acceptable, aux yeux des syndicats, l'entrée en vigueur rapide de ladite réforme. La tâche est revenue à Élisabeth Borne, la ministre du Travail, qui, le 25 janvier, les a reçus à tour de rôle.

Un décret sur l'assurance chômage prévu dans les prochaines semaines

La proposition de la ministre du Travail est d'adapter temporairement les règles, d'éligibilité à l'assurance chômage et de dégressivité des allocations, en fonction d'indicateurs liés à l'état du marché de l'emploi. Autrement dit, la réforme serait adoucie en attendant que la crise due à la pandémie de Covid-19 se calme un peu.

Elle s'appliquerait ensuite pleinement dès le retour d'une conjoncture plus favorable que l'exécutif baptise, pour l'occasion, « retour de bonne fortune ». Si Élisabeth Borne annonce faire « simple et intuitif » en se limitant à un mix de deux paramètres — le taux de chômage comme indicateur « stock » et le niveau des offres d'emploi comme indicateur « flux » — il y aurait cependant besoin de prendre son temps pour régler le mécanisme, notamment pour déterminer les niveaux auxquels se ferait le retour à la réforme initiale. Il n'en sera rien. L'exécutif est pressé.

Contre l'assurance chômage sauce macron : défendre le nouveau statut du travail salarié

Aux rencontres bilatérales de ce début de semaine doit succéder une réunion multilatérale en « deuxième ou troisième semaine de février », le gouvernement souhaitant prendre un décret « dans les toutes prochaines semaines ». Le sérieux budgétaire étant de mise en période préélectorale, le ministre délégué aux comptes publics a d'ores et déjà fait savoir que le « quoi qu'il en coûte » allait devoir s'éteindre dès 2021.

L'exécutif évalue donc peut-être qu'il est moins risqué politiquement de relancer la réforme de l'assurance chômage plutôt que, par exemple, celle des retraites… Et de commencer par serrer la ceinture, un peu plus encore, aux précaires et chômeurs.

L'État poursuit la mise en œuvre de la réforme de l'assurance chômage tout en prétendant le contraire

Élisabeth Borne s'est faite fort de présenter ses nouvelles dispositions comme « plus sociales » et « moins injustes » que la première version de la réforme. Mais, in fine, l'esprit en reste intact.

Élément central de la politique de l'emploi voulue par Emmanuel Macron dès sa campagne électorale de 2017, la réforme de l'assurance chômage a été imaginée (décrets du 26 juillet 2019 relatifs aux nouveaux droits d'indemnisation et au régime d'assurance chômage) dans la perspective d'une baisse du chômage à 7 % à l'horizon 2022 — on flirte avec les 11 % — et calibrée par un État suspicieux vis-à-vis des chômeurs : traque des fraudeurs qui en réalité sont une infime minorité, mais servent de prétexte pour accroître la surveillance de tous les allocataires ; lutte contre l'assistanat, la hantise de ce gouvernement qui voit dans chaque chômeur un potentiel tire au flanc ; réduction drastique des allocations qui fait basculer chômeurs et précaires dans les minimas sociaux, mais est très juteuse pour les finances de l'Unedic.

Force est de constater que sur cette dernière orientation le gouvernement n'a pas bougé d'un iota. Le Conseil d'État ayant recalé en novembre son projet de modification des règles de calcul du salaire journalier de référence (SJR qui permet de déterminer le montant des allocations), l'exécutif explore désormais d'autres pistes telles qu'un plancher qui ne prendrait pas en compte tous les jours non travaillés.

Chômage : le Conseil d'État retoque deux points très contestés de la réforme

Cet « aménagement de la formule de calcul du SJR (…) ne diviserait plus certaines allocations par quatre, mais seulement… par deux ! » tempête la CGT dans son communiqué. De toute façon… les SJR « ne figurent pas dans le champ des clauses de retour à bonne fortune », précise le ministère du Travail.

Explosion de la précarité, envolée des chiffres du chômage, incertitudes… Les syndicats réclament unanimement l'abandon de la réforme de l'assurance chômage.

Il n'en demeure pas moins paradoxal que le gouvernement maintienne sa réforme de l'assurance chômage. Cette dernière s'est en effet avérée tellement inadaptée aux situations dramatiques provoquées par la pandémie de Covid-19 que face à l'hostilité des syndicats et de l'opinion publique, il lui avait fallu concéder le report de sa mise en application au 1er avril 2021. Désormais c'est son abandon pur et simple qui est exigé.

« Vouloir à tout prix réformer l'assurance chômage dans cette période où il y a beaucoup d'incertitudes sur le terrain de l'emploi, du chômage, beaucoup d'incertitudes sur les conséquences de ces mesures — parce qu'il n'y a pas d'étude d'impact sérieuse réalisée aujourd'hui —, c'est jouer aux apprentis sorciers » a prévenu sur France Info Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT sur France Info qui se dit opposé à la réforme dans sa globalité.

Dans son communiqué la CGT aussi « exige l'annulation », estimant que « la crise sanitaire et sociale renforce la nécessité d'ouvrir l'assurance chômage à toutes celles et ceux privés du droit au travail. C'est l'objectif même du projet porté par la CGT de Nouveau statut de travail salarié et autour de la sécurité sociale professionnelle. Tous les travailleurs et, en particulier, les plus précaires des secteurs les plus touchés par les mesures gouvernementales liées à la pandémie — intérimaires, saisonniers, extra-hôteliers, guides-conférenciers, etc. — demandent plus que des aumônes et exigent l'ouverture ou la prolongation de leurs droits », affirme le syndicat qui voit dans l'explosion des chiffres du chômage « une nouvelle démonstration de la nécessité d'annuler la réforme. »

Selon les chiffres publiés par la DARES mercredi 27 janvier, le nombre de chômeurs de catégorie A (personnes sans emploi, tenues d'en chercher un) a enregistré une forte hausse en 2020 (+7,5 %), avec 265 400 inscrits supplémentaires au 4e trimestre 2020 par rapport au 4e trimestre 2019. De surcroit, ces données ne tiennent pas compte de l'envolée des licenciements économiques attendue (PSE chez Michelin, Accor, Airbus, Nokia, Total, Auchan…).

Elle fait craindre le pire pour 2021. Une explosion de la précarité au sujet de laquelle les associations caritatives alertent depuis plusieurs mois, évaluant à 1 million le nombre de personnes passées sous le seuil de pauvreté en France en 2020.

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