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Les services publics sont un outil de développement industriel et de croissance. Jean-Marc Canon, secrétaire général de l'Union générale des fédérations de fonctionnaires CGT (UGFF) nous dit pourquoi et comment.
nvo : Quel regard portez-vous sur la réforme de l'État menée par le gouvernement ? Jean-Marc Canon : Avec l'élection de François Hollande, nous espérions la mise en œuvre d'une politique se démarquant fortement de celle que nous avions dénoncée et combattue durant les années Sarkozy. Nous attendions de nouvelles réformes plus conformes à l'intérêt du service public, aux besoins de la population et à ceux des agents.
Force est malheureusement de constater que si le vocable a changé, les projets en cours marqués par une logique austéritaire, visent aujourd'hui comme hier à adapter la puissance publique aux seuls besoins du marché. La plupart des grandes orientations sont décidées sans le moindre échange ou avec des ersatz de concertation qui n'ont aucun effet sur les décisions prises. Le dernier exemple en date, c'est la « revue des missions publiques » qui doit déboucher sur des décisions en février prochain sans qu'il n'y ait eu la moindre concertation à ce jour.
Avec quels effets concrets ?
51 milliards d'euros de crédits en moins sur les exercices 2015-2016-2017 vont s'ajouter aux coupes drastiques opérées depuis 2007 et frapper des services publics déjà « réduits à l'os ». En 2012, François Hollande s'est enorgueilli de vouloir maintenir sur son septennat le même nombre d'agents dans la fonction publique d'État, entérinant du même coup la suppression de plus de 150 000 emplois sur les cinq années précédentes. La création annoncée de 60 000 emplois dans trois secteurs décrétés prioritaires – Éducation nationale, Justice et Police – signifie donc la suppression d'emplois à due concurrence dans les autres secteurs.
Les services publics n'ont-ils pas un rôle particulier à jouer ?
Tous les observateurs ont noté que l'existence en France de services publics développés a amorti les effets de la crise générée par le système capitaliste en 2008. Mais au-delà, crise ou pas, le service public est un outil irremplaçable d'accès aux droits fondamentaux pour les citoyens et un facteur de développement industriel équilibré sur tout le territoire, et de croissance économique. Il faut arrêter de répéter qu'il y aurait trop de fonctionnaires et qu'ils coûteraient trop cher. Comment, par exemple, lutter contre l'évasion fiscale qui atteint annuellement des dizaines de milliards d'euros, sans les agents nécessaires pour remplir cette mission ? Le service public n'est pas un coût mais une richesse.
Quelles sont les principales pistes à suivre ?
Il faut redonner du pouvoir d'achat aux agents des trois versants de la fonction publique. C'est juste socialement, compte tenu que leurs salaires sont bloqués depuis 2010. C'est nécessaire économiquement pour relancer la consommation des ménages et la croissance. Il est urgent d'instaurer un moratoire sur les suppressions d'emploi en préalable à l'examen nécessaire des missions publiques et des moyens humains à leur consacrer. Enfin, les fonctionnaires mais aussi les contractuels (c'est le cas pour 20 % des agents) doivent bénéficier d'un statut général renforcé et rénové, garantie de leur neutralité et de leur indépendance, indispensable pour l'égalité de traitement des citoyens.
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PAROLES DE SALARIÉ(E)S
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LAURENT PERIN, 39 ANS, VÉRIFICATEUR AUX FINANCES, CADRE A, ROUBAIX
« Je suis dans l'administration des finances publiques depuis le début des années 2000. Mon travail consiste à lutter contre la fraude fiscale en effectuant des vérifications sur la comptabilité d'entreprises et parfois de particuliers. Ce faisant, nous sommes les garants de l'égalité de traitement au regard de la fiscalité et des lois votées par le Parlement.
Mais depuis douze ans déjà, nous subissons des suppressions d'emplois régulières et massives et nos moyens budgétaires sont réduits à tous les étages. On le ressent au quotidien, par exemple au travers de la non-revalorisation des frais de déplacements. Du point de vue législatif, les contrôles fiscaux ont été freinés dans les années 2006-2007 avec de nouvelles garanties accordées aux entreprises. Cependant, même si le cadre législatif a évolué ces trois dernières années, nos moyens matériels et humains sont insuffisants pour lutter efficacement contre la fraude fiscale.
Pourtant, dès qu'on met des personnels, les effets sont considérables. Lorsque, récemment, Bercy a mis en place la cellule de régularisation fiscale, près de 12 000 dossiers auto-déclarés ont été reçus permettant de récupérer un montant total de quelque 2 milliards d'euros. Il a suffi d'y affecter une centaine d'agents. Quand on nous parle de la dette publique, on voit bien là l'incohérence à continuer la diminution de nos effectifs. La CGT-Finances porte une réflexion sur la fiscalité des entreprises ou les paradis fiscaux. Le vote CGT du 4 décembre portera aussi ce message du renforcement des moyens humains et législatifs du contrôle fiscal. »
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PATRICK THOMÉ, 50 ANS, TRAVAILLEUR DE L'ÉTAT, ADJOINT ADMINISTRATIF CATÉGORIE C, SERVICE LOGISTIQUE DE LA MARINE À BREST
« Je travaille au ministère de la Défense depuis vingt-cinq ans, et depuis cette époque je n'ai connu qu'une succession de restructurations avec des déflations d'effectifs. En dix ans, nous avons perdu 80 000 emplois, et cela s'accélère, 54 000 emplois civils et militaires ont disparu depuis 2008. Or, avec le livre blanc de la Défense et la loi de programmation militaire, le ministère prévoit encore 24 000 suppressions de postes d'ici 2019. Les budgets sabrent dans les personnels avec le non-remplacement d'un fonctionnaire sur trois qui partent en retraite. Tout cela entraîne un mal-être au travail, car nous sommes nombreux à être des « multirestructurés », et l'absence d'embauches entraîne un vieillissement des effectifs salariés qui ne voient plus de perspectives.
Le manque de moyens pèse aussi pour l'accomplissement de nos missions. Il faut savoir que notre rôle ne se limite pas à la Défense, mais aussi à la protection du territoire et de nos côtes. Par exemple, nous sommes pleinement partie prenante du plan Polmar en cas de pollution marine. Avec la FNTE CGT, nous revendiquons la création d'un pôle public de Défense et l'arrêt des restructurations. La Défense et l'armement doivent rester dans le giron de l'État, car il ne s'agit pas d'une marchandise comme les autres. Aujourd'hui, beaucoup se replient sur l'individuel à cause du manque de repères qui affecte les salariés. Il faut donc recréer du collectif et en s'y attelant, on y arrivera. Le vote CGT le 4 décembre va y aider. »
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