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MeToo

Violences partout, justice nulle part (Partie 1/2)

8 mars 2023 | Mise à jour le 25 avril 2023
Par | Photo(s) : AFP
Violences partout, justice nulle part (Partie 1/2)

Il y a cinq ans, la déferlante de témoignages provoquée par le hashtag #MeToo révélait l'ampleur des violences faites aux femmes et leur caractère systémique. Si les mobilisations féministes ont bousculé les mentalités, tout reste à faire pour mettre fin au fléau des violences sexistes et sexuelles. Notre enquête est à retrouver dans son intégralité dans notre trimestriel La vie Ouvrière.

Octobre 2017. Dans une enquête explosive publiée par le New York Times et le New Yorker, des actrices mettent en accusation le puissant producteur hollywoodien Harvey Weinstein pour des faits de harcèlement sexuel, d'agressions et de viols. Sur Twitter, l'actrice Alyssa Milano réagit avec le hashtag #MeToo (#MoiAussi), un slogan créé dix ans plus tôt par la travailleuse sociale new-yorkaise Tarana Burke. Celle qui s'est rendue célèbre en jouant dans la série télévisée Madame est servie invite les femmes harcelées ou victimes d'agressions sexuelles à briser à leur tour le silence.

Très rapidement, ce hashtag devient viral et circule sur toute la planète. Le monde prend conscience de l'ampleur des violences sexistes et sexuelles faites aux femmes. « On parle d'un moment #MeToo, car cet acte a généré, via les réseaux sociaux, un mouvement social avec de nombreuses ramifications, observe Pauline Delage, chercheuse au CNRS qui a codirigé l'ouvrage Les Violences sexistes après #MeToo . Ce qui s'exprime, c'est la reconnaissance d'une communauté d'expérience : cela montre que les violences à caractère sexuel, qu'elles soient vécues avec différents degrés de gravité ou restent à l'état de menace, structurent la vie des femmes et font système. »

Théorisée en 1987 par la chercheuse américaine Liz Kelly, la notion de continuum des violences caractérise l'ensemble des violences infligées aux femmes – du harcèlement de rue aux mains baladeuses, en passant par des agressions plus graves relevant du pénal –, et souligne leur expérience commune d'oppression.

Céder n'est pas consentir

La dénonciation des violences sexuelles n'est pas nouvelle, elle est portée depuis les années 1970 par les mouvements féministes. En 1978, au procès d'Aix-en-Provence, l'avocate Gisèle Halimi interroge la question du consentement et fait évoluer la loi française en faisant reconnaître le viol comme un crime. « L'enjeu, c'est de changer fondamentalement les rapports entre les hommes et les femmes », déclarera l'avocate.

Près d'un demi-siècle plus tard ce procès, #MeToo marque une nouvelle étape dans les prises de conscience, en remettant le consentement au cœur des débats. Il marque aussi une volonté radicale de changement, portée, notamment, par les plus jeunes générations. L'accumulation des récits qui circulent, passant d'un « je » solitaire à un « nous » fort d'une expérience et d'une colère commune, constitue une charge critique contre l'impunité des agresseurs et l'inaction publique, mais aussi une force collective qu'il est devenu impossible d'ignorer.

Briser l'omerta

En France, le mouvement social engendré par #MeToo déferle en vagues successives. Sous le hashtag #BalanceTonPorc, la journaliste Sarah Muller publie, en octobre 2017, un texto envoyé par un patron de télévision. « “Tu as des gros seins. Tu es mon type de femme. Je vais te faire jouir toute la nuit.” Eric Brion ex-patron de Equidia #balancetonporc », partage-t-elle sur Twitter. En quelques jours, quelque 160 000 personnes lui emboîtent le pas pour dénoncer des faits de harcèlement sexuel au travail.

Dans le sillage de cette libération de la parole, plusieurs personnalités très médiatiques sont mises en cause. En 2021, à la suite de la publication du livre de Florence Porcel où elle décrit des viols commis par Patrick Poivre d'Arvor, des femmes accusent l'ancien présentateur de TF1 de violences sexuelles. Un an plus tard, 34 plaintes – dont onze pour viols – ont été déposées selon l'association #Metoomedia, qui s'est constituée partie civile pour changer les pratiques au sein de la profession.

« Ses victimes étaient souvent des personnes sans pouvoir financier ou symbolique, et dont on peut se séparer facilement. Ce qui est terrifiant dans les récits sur PPDA, c'est que des jeunes filles entraient quasiment tous les soirs dans son bureau sous l'œil de l'équipe. Ce qui ressort du harcèlement, de l'agression ou du viol a été minimisé par des gens qui ont assisté à ce qui se passait », décrit Élodie Pinel, membre de #Metoomedia.

Dans les cas d'agressions sexuelles, comme dans l'affaire PPDA, des cercles d'alliances et de silence se forment autour de l'agresseur en position de pouvoir. Des proches qui vont, au mieux, fermer les yeux et ne pas le dénoncer, ou, au pire, prendre la défense de l'agresseur. « Ce que notre action a révélé, c'est que l'omerta peut être brisée par les plus faibles. Mais il ne faut pas se focaliser sur deux ou trois noms de personnalités. Le problème est structurel », conclut Élodie Pinel.

Lire la deuxième partie de notre article ici.

 

En savoir plus: le dossier consacré à la lutte contre les violences sexistes faites aux femmes est à retrouver dans le trimestriel La Vie ouvrière