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Wallander est orphelin

6 octobre 2015 | Mise à jour le 2 mars 2017
Par | Photo(s) : Nora Lorek/AFP
Wallander est orphelin

Il n'y aura plus de suite aux aventures de l'inspecteur Kurt Wallander… Son créateur, l'écrivain et dramaturge suédois Henning Mankell, est décédé à Göteborg dans la nuit du 4 au 5 octobre. Il avait 67 ans.

Très déçu des dérives du modèle social-démocrate de son pays, Henning Mankell était sans doute le plus brillant héritier du couple de romanciers suédois Maj Sjöwall et Per Wahlöö, qui avait initié – entre 1965 et 1975 – un mouvement de critique sociale acérée dans leurs romans noirs, avec les enquêtes de Martin Beck.

Le héros de Mankell, Kurt Wallander, partageait cette même vision « sur les pouvoirs en place dans son pays », que le romancier déclina entre 1991 et 2009 dans douze ouvrages, avec un immense succès dans le monde entier (1). Deux adaptations marquantes furent réalisées par les télévisions suédoise et britannique (avec respectivement Rolf Lassgård et Kenneth Branagh dans le rôle de Wallander). L'homme inquiet mettait fin à la saga Wallander, Henning Mankell ayant plongé son héros dans la maladie d'Alzheimer…

UN PIED DANS LA NEIGE, UN PIED DANS LE SABLE

Depuis les années soixante-dix, Henning Mankell partageait sa vie entre la Suède et le Mozambique, où il avait créé en 1986 une troupe de théâtre, le « Teatro Avenida », à Maputo. Cette connaissance intime de l'Afrique lui permettait d'échapper à un regard européano-centré et l'avait rendu extrêmement sensible à l'apartheid, à toutes les dérives postcoloniales, à la défense des opprimés et à la question cruciale des migrations, sujets qu'il avait notamment évoqués dans La lionne blanche, Le chinois, L'œil du léopard ou Tea bag (⇾ Lire encadré).

Outre les romans noirs, Henning Mankell écrivait pour le théâtre, pour le jeune public et pour la radio, mais il avait également signé d'excellents romans de littérature « blanche » (2), dont le plus réussi fut sans doute Les chaussures italiennes. En avril 2015 paraissait Daisy sisters (Voir l’article « La Suède au féminin », paru dans La Nouvelle Vie Ouvrière de juin 2015, p. 62, reproduit ci-contre), racontant l'aventure tragique de deux jeunes Suédoises de 17 ans à l'été 1941.

En 2001, il avait fondé les éditions Leopard avec l'éditeur Dan Israël. Henning Mankell était le gendre d'Ingmar Bergman dont il fut très proche jusqu'à la mort du cinéaste. Henning Mankell avait vendu plus de 40 millions d'ouvrages dans le monde.

Henning Mankell, atteint d'un cancer, avait témoigné de son effroi face à la maladie et devant l'état du monde dans Sable mouvant, paru le 17 septembre 2015 au Seuil.

 

 

 

 

 


Henning Mankell s'exprimait sur la question des migrations dans un entretien au Nouvel Observateur, en 2008

« Si on demande où se trouve le centre de l'Europe, certains répondront Bruxelles (centre politique de l'Union européenne), Londres (centre économique et financier), Paris ou Berlin (en tant que foyers culturels). Pour moi, le centre symbolique de l'Europe, c'est la petite île de Lampedusa, au sud de l'Italie. Car c'est là qu'échouent chaque jour les cadavres d'immigrants clandestins venus d'Afrique.

Je trouve ça dégueulasse [en français dans le texte]. Et ce scandale nous oblige à nous demander : pouvons-nous accepter un tel monde ? N'y a-t-il pas un autre moyen d'envisager l'immigration ? J'ai un rêve simple : construire un pont entre le Maroc et l'Espagne. Nous savons bien que nous avons besoin de ces immigrants. (…)
C'est l'immigration qui a fait l'Europe. L'histoire européenne est une affaire d'immigration et d'émigration. Il y a un siècle, beaucoup de Suédois sont partis aux États-Unis en quête d'une vie meilleure, qu'ils y ont trouvée. Nous avons la mémoire courte ! Les Européens conservateurs ont peur que les immigrants ne viennent leur piquer leur boulot. Foutaises ! Ils viennent faire les boulots que nous ne voulons pas faire. Cette hostilité risque de nous poser des problèmes : dans vingt ans, quand nous serons très vieux, qui s'occupera de nous ?

Je place donc beaucoup d'espoir dans la jeunesse actuelle, car notre génération a perdu la bataille. Nous vivons dans un monde terrible, où les gens ne tirent aucune leçon de leur mémoire et de leur expérience. Je me demande ce que dirait Voltaire s'il voyait l'Europe d'aujourd'hui. Je crois qu'il s'exclamerait : “Il est grand temps de recommencer les Lumières !” »

 

Les romans d'Henning Mankell

(1) Romans noirs :
Série Kurt Wallander

• Meurtriers sans visage
• Les Chiens de Riga
• La Lionne blanche
• L'Homme qui souriait
• Le Guerrier solitaire
• La Cinquième Femme
• Les Morts de la Saint-Jean
• La Muraille invisible
• Avant le gel
• Une main encombrante
• L'Homme inquiet
• La Faille souterraine et autres enquêtes (cinq nouvelles policières, dont l'action se situe avant celles des onze romans de la série, mais publié postérieurement)

Lire l’article « La faille souterraine et autres enquêtes, Mankell avant Wallander » que nous  avions consacré à cet ouvrage.

 

Sans Wallander
• Le Retour du professeur de danse
• Le Chinois

(2) Romans :
• L'Œil du léopard
• Comédia infantil
• Le Fils du vent
• Tea-Bag
• Profondeurs
• Le Cerveau de Kennedy
• Les Chaussures italiennes
• Un paradis trompeur
• Daisy Sisters