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La relaxe pour Mylène Palisse

12 décembre 2016 | Mise à jour le 13 décembre 2016
Par | Photo(s) : christian Bellavia/Divergence
La relaxe pour Mylène Palisse

La CGT, le Syndicat de la magistrature, la FSU et la Ligue des droits de l'Homme ont tenu un meeting-débat de soutien à Mylène Palisse le 7 décembre. Le ministère de la Justice lui reproche d'avoir exprimé l'avis de son syndicat CGT sur l'obligation qui lui est faite de signaler les détenus radicalisés.

Assise parmi ses collègues sur les bancs de bois de la grande salle de la bourse du travail de Paris, Mylène Palisse semble étonnée, presque gênée, d'être ce soir au centre de l'attention dans ce meeting organisé par son syndicat CGT de l'insertion-probation, la CGT Paris, le SNJ-CGT, le Syndicat de la magistrature, la FSU, la Ligue des droits de l'homme. Après le lancement d'une pétition signée notamment par 80 personnalités syndicales, associatives et politiques et près de 2000 personnes, ce meeting-débat se voulait le point d'orgue de la campagne de soutien à Mylène Palisse. Cette conseillère pénitentiaire d'insertion et de probation, et élue CGT, risque jusqu'à la révocation pour avoir exprimé des critiques concernant certaines modalités de la mise en œuvre, au sein de l'administration pénitentiaire, de la prévention de la radicalisation dans les colonnes de L'Humanité en avril dernier, dans un article intitulé « Cochez la case djihadiste ».

Ce mardi 13 décembre, la CGT appelle à un rassemblement devant l'immeuble où se tiendra la commission disciplinaire de 10 heures à 14 heures (Direction de l'administration pénitentiaire, 35, rue de la Gare, Paris 19e – Millénaire 3. Métro Porte-d'Aubervilliers ou RER E, station Rosa-Parks).

Un dévoiement des missions

Cette soirée de soutien à Mylène était aussi résolument placée sous le signe du débat, car l'affaire « révèle un détournement de nos missions, un dévoiement de notre éthique professionnelle », assure Delphine Colin, la secrétaire générale de la CGT insertion et probation. « Notre mission, c'est d'accompagner les détenus vers la réinsertion en établissant avec eux un lien de confiance. C'est d'ailleurs ce qu'officiellement nous demande notre administration, qui nous enjoint désormais d'alimenter le renseignement pénitentiaire. »

C'est donc une profession victime d'injonctions contradictoires qui se mobilise autour du cas de Mylène. Mais aussi des professionnels en proie aux doutes et aux difficultés à exercer leurs missions faute de moyens humains : « On suit en moyenne 100 à 120 personnes, avec beaucoup de pression », affirme Delphine Colin qui évoque notamment la crainte partagée par ses collègues de voir leur responsabilité professionnelle engagée en cas de récidive d'un ancien détenu.

L'ère du soupçon

Au cours du débat, la présidente de la Ligue des droits de l'homme estimait elle aussi que cette affaire révélait un certain nombre de dérives. Françoise Dumont pointait ainsi « le secret professionnel des travailleurs sociaux qui est devenu depuis quelques années un secret partagé » et affirmait que la liberté d'expression dont Mylène Palisse peut se prévaloir en tant que citoyenne et syndicaliste « est un marqueur de la démocratie ». Evoquant la succession de huit textes depuis 2012, dont la loi sur le renseignement, Françoise Dumont constatait que « nous sommes entrés dans l'ère du soupçon », via notamment l'introduction dans le droit de la notion « est susceptible de… » qui permet de restreindre la liberté et de criminaliser toute personne sans avoir à apporter la preuve qu'elle a commis un acte répréhensible.

Fonctionnaires bâillonnés, démocratie bafouée

Pour l'Union générale des fédérations de fonctionnaires CGT, « ce sont bien tous les fonctionnaires qui devraient s'inquiéter de cette situation qui remet gravement en cause leur liberté d'expression et le rôle des syndicats dans l'administration. C'est également l'ensemble des citoyens qui devraient s'inquiéter de cette volonté de museler les personnels de la fonction publique. Le rôle des syndicats est de défendre l'intérêt des travailleurs mais également la défense d'une certaine vision de la société en ayant cette capacité de critique des actions initiées par l'administration, notamment lorsque l'intérêt général est en jeu. C'est un contre-pouvoir indispensable dans le débat public ! Les museler c'est tout simplement un déni de démocratie ».

Le garde des Sceaux censure la CGT

Non content de convoquer Mylène Palisse en commission disciplinaire ce 13 décembre, lui déniant ainsi son droit d'expression syndicale, mais aussi sa liberté d'expression de citoyenne, le garde des Sceaux a aussi fait bloquer l'accès depuis ce lundi 12 décembre 2016 au site du syndicat  CGT insertion probation. Aucun agent du ministère ne peut y accéder de son poste de travail, alors qu'il a libre loisir de consulter les sites des autres organisations syndicales. « Première organisation au sein des services pénitentiaires d'insertion et de probation, la CGT fait l'objet d'une pratique discriminatoire intolérable ! », proteste le syndicat qui interroge le ministre : « Qu'y a-t-il d'“étranger aux missions du ministère de la Justice” sur le site de la CGT insertion probation ? Serait-ce pour priver les personnels des informations sur leurs droits, sur les instances de dialogue social, sur les suites de leur mobilisation pour une meilleure reconnaissance et des moyens pour exercer leurs missions qui se font attendre …? »