7 avril 2017 | Mise à jour le 7 avril 2017
Partie du royaume de Yougoslavie jusqu'en 1941, sous occupation hongroise jusqu'en 1945, le Prekmurje intègre la Slovénie au sein de la Fédération yougoslave de Tito. Terre natale de Feri Lainšček, il y situe Halgato, truculent roman sur la communauté rom, récemment traduit en français.
Ce 8 avril marque la célébration de la Journée internationale des Roms, instaurée lors du Congrès mondial tzigane qui débuta à cette date, en 1971 à Londres et est désormais fêtée chaque année par toutes les communautés roms dans le monde.
Occasion opportune de publier en français l'un des livres de l'écrivain, journaliste et homme politique slovène Feri Lainšček, très populaire dans son pays et qui porte une attention particulière à la population rom bien intégrée en Prekmurje.
Écrit en 1991 et situé en 1948 – d'où l'utilisation de l'appellation « tsigane », conformes aux normes de l'époque – Halgato est à mi-chemin du conte et du roman populaire, qui nous brosse en une langue poétique le destin d'un enfant tsigane, violoniste virtuose.
Le jeune Halgato (mot qui désigne aussi une forme musicale tsigane) vient de perdre son père, Mariška le Violoneux, dans des circonstances floues. A-t-il été victime de l'OZNA (la police politique), est-il seulement vraiment mort ?
Avant son grand départ : « Mariška le Violoneux exécuta son dernier halgato près du grand feu de camp (…) Mariška fit vibrer sa corde la plus fine pour les femmes et les jeunes filles accroupies dans l'obscurité ou lorgnant par les fenêtres. Et pour la marmaille qui ne savait pas encore que cet air se déposerait subrepticement dans leur âme et que beaucoup vivraient sa tristesse jusqu'à leur mort. »
Mariška aura eu le temps – dans l'urgence de celui qui doit absolument transmettre – d'inculquer à son fils tout ce qu'un violoniste doit savoir et de lui léguer son étonnant violon blanc.
Lorsque Tereza, la mère d'Halgato, s'amourache du rémouleur Bumbaš qui s'installe avec elle dans leur campement, la famille s'agrandit. Bumbaš a deux filles, Fana et Ana, et un fils, Pišti, qui devient le grand ami d'Halgato. Mais la carriole du rémouleur, tirée par l'âne Cricri, ne saurait suffire à nourrir ces bouches affamées, ni permettre à Pišti, doué pour l'école, de poursuivre ses études…
La solution viendra-t-elle du « Merle blanc », le violon d'Halgato, et la destinée de cette turbulente famille recomposée sera-t-elle meilleure que celle des générations qui les ont précédées ?
En signant ce délicieux roman picaresque où la poésie le dispute à l'humour Feri Lainšček donne vie à une population stigmatisée, pourchassée, dévalorisée, exclue, qui garde malgré tout un formidable appétit de vivre et une belle humanité.
Halgato, de Feri Lainšček,
traduit du slovène par Liza Japelj-Carone. Éditions Phébus, 224 pages, 18 €.