11 décembre 2016 | Mise à jour le 9 décembre 2016
Comment vivre lorsqu'à l'orée de l'âge adulte, votre mère disparaît ? C'est la question qui se pose brutalement à Wendy, héroïne déboussolée du nouveau et subtil roman de Joyce Maynard, « Les règles d'usage ».
Elle s'appelle Wendy. Comme dans Peter Pan, « la plus grande des enfants que Peter avait emmenée au Pays imaginaire ». Et ce n'est sans doute pas par hasard que la romancière Joyce Maynard lui a donné ce prénom. Fait-elle référence au syndrome de Peter Pan, ces enfants qui ne veulent pas grandir ? Car Wendy, au seuil de l'adolescence, va devoir grandir d'un coup, en un seul jour, celui de la disparition de sa mère.
Le lecteur fait connaissance avec la jeune fille, son petit-frère Louie alors que leur beau-père Josh, un homme attentif, leur prépare le petit-déjeuner pendant que Janet, leur mère dort encore. Wendy part au collège sans avoir vu sa mère, ignorant que quelques heures plus tard, l'annonce suivante résonnera dans les haut-parleurs de l'établissement scolaire: « Je vous prie de garder votre calme. Nous cherchons encore des informations. Il y a eu un accident. »
Nous sommes le 11 septembre 2001 et la mère de Wendy travaille dans une des tours jumelles du World Trade Center…
Janet, qui adorait danser et était « montée » à New York en espérant jouer dans des comédies musicales – parce qu'elles finissent bien –, mais qui, incapable de chanter juste, jouera les doublures ou échouera aux auditions comme celle pour le rôle de « Lily la Tigresse dans une reprise de Peter Pan par une troupe itinérante ».
Janet ne rentrera pas. Et Wendy, comme le personnage de J.M. Barrie, prendra soin du petit frère, alors qu'elle-même est totalement perdue. Forme-t-elle une famille avec Josh et Louie ? Ou sa vie est-elle auprès de Garrett, son père épisodique, parti vivre en Californie et qui n'a jamais vraiment été l'adulte de leur brève vie familiale ?
Wendy va faire face à tous ces questionnements à la fois ET survivre au manque de sa mère à l'âge où elle en aurait peut-être le plus besoin. Celui où elle s'interroge sur sa féminité, sur sa place, sur son avenir et sur des choix qui semblent toujours définitifs même s'ils ne durent pas…
L'histoire personnelle de Joyce Maynard peut donner quelques clés de cette empathie avec la période de l'adolescence. En effet, toute jeune femme, elle avait entamé une correspondance, puis une liaison avec l'écrivain J.D. Salinger, auteur de L'attrape-cœurs, sans nul doute le plus célèbre roman au monde traitant du passage à l'âge adulte, qui s'est vendu à des dizaines de millions d'exemplaires et continue d'être un succès de librairie. L'auteure évoquera cette période de sa vie dans son autobiographie Et devant moi, le monde, dont Les règles d'usage est, en quelque sorte, le pendant romanesque où son écriture limpide happe le lecteur pour ne plus le lâcher.
Les règles d'usage,
Joyce Maynard
480 pages, 22 €. Philippe Rey.