Au musée d'histoire vivante de Montreuil, la mémoire ouvrière à l’honneur
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Dès l'entrée de l'exposition « La peinture américaine des années 1930. The Age of Anxiety » au musée de l'Orangerie, un panneau chronologique comme une vidéo nous rappellent les heures sombres de la Grande Dépression aux États-Unis. Après le crash boursier de 1929, le taux de chômage dépasse les 20 %, les soupes populaires tournent à plein régime, tandis que s'étalent des taudis aux abords des décharges.Durant cette période, la palette des peintres offre de multiples nuances, pour magnifier un retour à la terre contre l'urbanisation effrénée, replonger dans les racines de la conquête américaine ou dénoncer les injustices. Les frontières sont parfois floues, comme le montre une des toiles de Thomas Hart Benton, peintre important – et talentueux – du mouvement régionaliste. S'il peint des scènes pleines de mouvement et plutôt enjouées de la vie quotidienne du Midwest, dans Cotton Pickers (Cueilleurs de coton), il montre le dénuement des paysans noirs avec, au premier plan, un enfant famélique.
Loin des champs, l'usine devient paysage pour certains artistes comme Charles Sheeler, qui excelle dans le précisionnisme. Dans sa toile American Lanscape (Paysage américain), se déploie l'usine de River Rouge, tout juste achevée, destinée à produire les voitures Ford Model A, suite à une commande du président de la Ford Motor Company. Une œuvre qui affirme la foi de l'Amérique dans son industrie pour participer à la reprise économique du pays, où l'humain disparaît.
D'autres peintres, au contraire, le mettent en avant. C'est le cas d'Alice Neel, avec son portrait de Pat Whalen, leader de mouvements sociaux, représenté les poings serrés, appuyé sur le quotidien communiste Daily Workers, annonçant les grèves dans les mines et la sidérurgie. Même chose du côté de Joe Jones qui s'engage auprès des travailleurs et des pauvres et dispense notamment des cours d'arts plastiques aux sans-emploi. Sa très belle huile Roustabouts (Débardeurs) montre ainsi des dockers noirs, assis ou trimant devant un homme blanc impérieux.
En ces temps de crise, le souci d'évasion est de mise. L'engouement pour les sorties et les spectacles se retrouve dans les toiles d'Edward Hopper, dont son superbe New York Movie montrant une salle de cinéma avec une ouvreuse en attente ou chez Reginald Marsh, peignant la foule qui se presse aux abords des dancings (1).
Mais, au milieu de la fête, se dresse l'incroyable danse macabre de Philip Evergood. Dans Dance Marathon, le peintre met en scène les corps épuisés et désarticulés des danseurs lors de concours effroyables en vogue pendant la dépression. Comme l'a montré On achève bien les chevaux, grand film de Sydney Pollack, le couple le plus endurant, après des jours et même des semaines de danse sans interruption, percevait un pécule.
Dans ces années 1930, la Harlem Renaissance, mouvement afro-américain qui bataille pour une reconnaissance de la culture noire dans le paysage artistique, atteint son apogée. On peut admirer quelques toiles de ses représentants au musée de l'Orangerie, comme la magnifique Aspiration, d'Aaron Douglas, qui montre l'évolution historique de la communauté, de l'esclavage à la liberté et son apport au développement et à la vie économique du pays.
Mais il faut surtout se rendre à l'exposition « The Color Line. Les artistes africains-américains et la ségrégation » au Quai Branly. Si elle manque un peu d'explications et de scénographie, elle offre un extraordinaire panel des peintres afro-américains, dont le très grand Aaron Douglas justement, surnommé le « père de l'art noir américain ». Ses gouaches et ses encres, géométriques et symbolistes, sont de toute beauté comme son Into Bondage (2), qui nous montre la marche des esclaves enchaînés vers la mer et les navires négriers.
Outre Aaron Douglas, le musée du Quai Branly nous offre l'occasion inédite de découvrir les nombreux peintres associés au mouvement Harlem Renaissance, très peu connus en France. Ainsi, Archibald J. Moltey, qui peint les scènes de rue et de la vie nocturne, marquée par le jazz, comme dans son superbe Tongues (Holy Rollers), où le tableau est rythmé par les mouvements de danse. Mais aussi Malvin Gray Johnson et son autoportrait où s'affichent des masques africains en arrière-plan.
Peintres, sculpteurs, poètes, romanciers, photographes, cinéastes, tous participent à ce bouillonnement artistique qui revendique les racines africaines et combat la ségrégation raciale.
Dès sa création, en 1910, la National Association for the Advencement of Colored People (NAACP), portée par l'écrivain W.E.B. Du Bois, lutte notamment dans le magazine Crisis contre les lynchages. Entre 1882 et 1968, quelque 5 000 personnes ont été lynchées, en majorité dans les États racistes du Sud. En 1935, deux expositions à New York furent consacrées à ce thème. Les peintres s'emparent du sujet, tels Loïs Mailou Jones, Hale Woodruff et ses lithographies très expressives, ou encore Charles Alston qui, dans un fusain d'une rare violence, nous montre un Blanc haineux brandissant le pénis de sa victime. Les toiles exposées nous rappellent encore la présence macabre du Ku Klux Klan près des victimes, tandis qu'on peut voir quelques aperçus terrifiants des cartes postales de pendus qui glorifiaient ces horreurs, vendues dans les bureaux de tabac…
« The Color Line. Les artistes africains-américains et la ségrégation »,
jusqu'au 15 janvier, au musée du Quai Branly-Jacques Chirac, 37, quai Branly, Paris 7e.
« La peinture américaine des années 1930. The Age of Anxiety »,
jusqu'au 30 janvier, au musée de l'Orangerie, jardin des Tuileries, Paris 1er.
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