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Loi Travail 2

Des ordonnances patronales

1 septembre 2017 | Mise à jour le 1 septembre 2017
Par | Photo(s) : Bapoushoo
Des ordonnances patronales

Jeudi 31 août, à midi, le Premier ministre et la ministre du Travail dévoilaient le contenu des ordonnances après trois mois de concertation. Sans surprise, pour la CGT, elles donnent plus de pouvoirs aux employeurs au détriment des droits des salariés. État des lieux.

«Toutes les craintes que nous avions sont confirmées et la crainte supplémentaire, c'est évident et c'est écrit, c'est la fin du contrat de travail», a déclaré Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, jeudi 31 août, en début d'après-midi, à l'issue de la présentation publique des cinq ordonnances destinées à réformer le code du Travail. Le Premier ministre, Édouard Philippe, et la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, étaient à la manœuvre pour en dévoiler le contenu, après des semaines de concertation avec les syndicats de salariés et patronaux.

Plus de pouvoirs aux employeurs

En ouverture, Édouard Philippe a donné le la: «Nous savons que le droit du travail n'est pas la première cause du chômage en France […], mais nous savons aussi que, […] pour le petit patron ou l'investisseur étranger, le droit du travail tel qu'il existe est souvent perçu comme un frein à l'embauche.» Comme une réponse à la principale critique formulée à l'encontre de la réforme voulue par Emmanuel Macron: le chômage dont souffrent les Français est davantage dû au manque de compétitivité des entreprises de l'Hexagone (sous-investissement, etc.) qu'à la législation du travail. Cela, le chef du gouvernement le sait, mais il assume, décomplexé, de donner plus de pouvoir au patronat dans les entreprises au détriment des droits des salariés et de leur protection… Sans qu'il faille en attendre une reprise de l'emploi. Muriel Pénicaud, ministre du Travail, qui s'est chargé d'exposer le contenu de la réforme a enfoncé le clou: «Ce qui est en jeu, c'est de changer l'état d'esprit du code du Travail, a-t-elle déclaré d'emblée avant de préciserque, pour la première fois, [c'est] une réforme du code du Travail qui donne la priorité aux TPE et PME.»

Des lignes rouges allègrement franchies

C'est ainsi que la ministre du Travail a commencé par annoncer que les patrons des entreprises de moins de 50 salariés pourront négocier directement avec un élu du personnel, non mandaté par un syndicat, sur l'intégralité des sujets. Dans les entreprises de 11 à  20 salariés, en l'absence d'élu du personnel, ils pourront négocier directement avec les salariés, non élus et non mandatés, puis soumettre des accords à référendum sur tous les sujets de négociation comme les rémunérations, le temps de travail ou l'organisation du travail. Des lignes rouges fixées par les différents syndicats de salariés sont ainsi franchies: de nouveaux champs de négociation s'ouvrent au sein des entreprises (revoir le montant des primes d'ancienneté aujourd'hui fixées par les branches, l'agenda social des négociations…); pour juger du sérieux des difficultés économiques d'une multinationale qui veut licencier dans une filiale française, seul le périmètre national pourra être pris en compte; le délai pour saisir les prud'hommes est réduit à un an et les indemnités plafonnées; les contrats atypiques, comme les contrats de chantier, sont généralisés et relèvent des branches (domaine réservé de la loi jusqu'à maintenant); les instances représentatives du personnel sont fusionnées, etc.

Les syndicats, entre déception et farouche opposition

Tel est le résultat de trois mois d'une concertation avec les syndicats de salariés et patronaux. Celle-ci aura consisté à tenir une dizaine de réunions bilatérales par organisation et une réunion plénière multilatérale qui s'est tenue jeudi matin à Matignon, à quelques heures de la communication officielle du contenu des ordonnances. «On se félicite – ça a quand même traîné – qu'il y ait une multilatérale qui permette à tout le monde d'entendre la même chose», admettait Philippe Martinez qui reprochait au gouvernement de privilégier les réunions bilatérales lui permettant «de dire des choses différentes aux uns et aux autres».

De fait, dans un entretien accordé au Monde dans la foulée de cette dernière multilatérale, Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT déclarait que : «La CFDT y voyait une occasion d'avancer vers la codécision dans l'entreprise ou le renforcement de la présence des représentants des salariés dans les conseils d'administration. Au final nous sommes déçus.» Il estime que «le gouvernement a raté le coche» avec la réforme du code du Travail.

De son côté, Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, se satisfait de ce que la concertation a permis d'éviter, comme «négocier sans syndicat dès 300 salariés, ce que demandait le patronat». Il relève cependant des points de désaccord, à l'instar de «la faculté ouverte, entre 11 et 20 salariés, de négocier directement comme dans les TPE ou la reconnaissance du “droit à l'erreur” ». Quand c'est sur des questions de forme, Mailly dit «pouvoir comprendre» mais, quand cela touche aux motivations du licenciement, il estime que «c'est plus gênant».

Côté CFE-CGC, la position n'a pas varié. Dès le 11 juillet, François Hommeril a exprimé son désaccord avec un projet qui vise à «amoindrir la capacité des salariés à intervenir dans les entreprises» et à «amoindrir les droits des représentants des salariés».

«Le gouvernement vient de nous proposer, dans la droite ligne de ses prédécesseurs, une énième réforme du droit du travail partant du principe que le travail est un coût, alors qu'il produit les richesses. Cette loi va se rajouter aux précédentes sans même les avoir évaluées, et pour cause, elles sont inefficaces», écrit la CGT dans un communiqué paru jeudi 1er septembre. Elle annonce qu'elle «fera tout pour unir les salariés, les travailleurs indépendants, les privés d'emploi, les retraités, les jeunes lycéens et étudiants avec l'ensemble des autres organisations syndicales afin de gagner des réformes de progrès social.»

Pour le 12 septembre, elle annonce d'ores et déjà que « Solidaires et l'Unef appellent à la mobilisation [à ses côtés]. La FSU a déposé un préavis de grève, plusieurs UD et une fédération de FO appellent également à la mobilisation, la CFE-CGG est également très mobilisée dans les entreprises… » Un premier pas nécessaire vers une riposte indispensable.