Une politique plus sélective pour les contrats aidés
Rien de mieux qu'un rapport de mission pour justifier à postériori d'une réorientation de l'action publique. Dernier exemple en date, les « Parcours emplois compétence ». Ils viennent d'enterrer les contrats aidés honnis de Muriel Pénicaud qui les jugeait inefficaces et ruineux. S'ajoutant à cela un budget à boucler, le gouvernement a brusquement décidé cet été d'en réduire la voilure (200 000 en 2018 contre 320 000 en 2017 et 460 000 en 2016), sans concertation préalable. Droite dans ses bottes au cœur de la tempête déclenchée par les associations de solidarité, la ministre a donc confié, le 5 septembre, une mission à Jean-Marc Borello, le président du groupe SOS et fondateur du Mouvement des entrepreneurs sociaux. Objectif : changer le système pour qu'il devienne plus transversal, individualisé, qualitatif… C'est chose faite depuis mardi 16 janvier, et la publication du rapport de mission « Donnons-nous les moyens de l'inclusion ». Le même jour, les préfets ont en effet reçu, une circulaire mettant fin aux contrats aidés au profit des « Parcours emploi compétence » (PEC), principale mesure retenue par Muriel Pénicaud parmi celles proposées par Jean-Marc Borello. Et rien d'autre qu'une nouvelle politique en matière de contrats aidés.
Sélection plus stricte
S'appuyant sur le triptyque « emploi, formation et accompagnement », le PEC ressemble comme deux gouttes d'eau au Contrat d'accompagnement dans l'emploi, le CUI-CAE, l'une des formes de feu le contrat aidé, réputée pour son bon fonctionnement. Comme leurs prédécesseurs, les PEC s'adressent aux personnes les plus éloignées de l'emploi et sont subventionnés. Ils seront accordés par les préfets, Pôle emploi ou les missions locales et seul le secteur non marchand (structures associatives ou publiques) sera désormais habilité à accueillir leurs bénéficiaires. Les contrôles et la sélection montent d'un cran pour les employeurs et quelque peu, aussi, pour les candidats. Les publics devront en effet être mieux ciblés que par le passé. Une nécessité, estime Muriel Pénicaud qui veut privilégier le « qualitatif » sur le « quantitatif ». Les structures, elles, seront non seulement sélectionnées en fonction de leur capacité à former et accompagner les personnes qu'elles auront recrutées mais, à la fin du contrat, les conseillers de Pôle emploi devront vérifier leur « service rendu ». Les PEC seront « appuyés sur des obligations précises et contrôlées » et « engageront l'employeur sur les compétences à faire acquérir au recruté », précise le ministère du Travail. Pour que l'employeur sache, dès le départ, à quoi s'en tenir, l'entretien pour la demande d'aide pourrait faire l'objet d'une signature en présence du salarié et du prescripteur.
Plus de suivi
La signature du contrat sera assortie de nouvelles exigences : la mise en place d'un suivi du nouveau salarié embauché en PEC avec, si besoin, une aide à la prise de poste, une évaluation de ses compétences, un soutien dans la construction de son parcours professionnel voire la recherche d'un autre emploi à la sortie. Pour cette dernière étape, Muriel Pénicaud a retenu la proposition du rapport Borello concernant le nécessaire effort de formation à l'issue du PEC. Cela afin de consolider l'avenir professionnel de ce public fragile. Il s'agit de dédié « 50 millions d'euros issus du Plan investissement dans les compétences à 18 000 bénéficiaires et sortants des PEC qui, dans ce cadre, pourraient bénéficier de 280 heures de formation.
Financement du dispositif
Loi de finances 2018 oblige, les PEC héritent des 1,6 milliard d'euros initialement destinés aux contrats aidés. Cependant leur utilisation change. Alors que les préfets disposaient d'un stock de contrats, ils auront désormais à leur disposition une somme à dépenser — un fond d'inclusion — en fonction des besoins du bassin d'emploi. Ils pourront également les répartir comme il leur semble le plus pertinent entre les PEC et les dispositifs d'insertion par l'économique. Ces structures d'insertion par l'économique, si chères à Jean-Marc Borello, ayant également droit à 50 millions en provenance du Plan d'investissement dans les compétences pour financer la formation. Une façon pour le gouvernement d'ouvrir en grand la porte aux très macron-compatibles entrepreneurs sociaux ?
Vous dites « inclusion » ?
Sélectifs, les “Parcours emploi compétence” vont être mis en place sans qu'aucune évaluation des besoins sociaux ait vraiment été effectuée. Au nom du “qualitatif”, le ministère du Travail persiste à réduire la voilure de son action publique en direction des personnes très éloignées du marché du travail. Mais qu'est-il prévu pour le plus grand nombre ? Toutes celles qui constituent le noyau dur et jusque-là incompressible du chômage structurel. Des jeunes non qualifiés, des séniors en chômage de longue durée… De plus, beaucoup de petites associations risquent l'étranglement financier faute de solution de rechange suite à la suppression des contrats aidés. À cela non plus aucune réponse.
Autant dire, qu'à ce stade, Jean-Marc Borello cultive le paradoxe en titrant son rapport « Donnons-nous les moyens de l'inclusion ».