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Mai-juin 68

Mai 68 par ceux qui l’ont vécu : « Se prononcer dans chaque entreprise »

8 mai 2018 | Mise à jour le 27 avril 2018
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Mai 68 par ceux qui l’ont vécu : « Se prononcer dans chaque entreprise »

Aimé Halbeher, secrétaire de la CGT Renault en 1968.

C'est quoi Renault-Billancourt 
en 1968 ?

C'est la plus grande usine de France : 33 000 salariés dont 8 000 employés, techniciens, ingénieurs et 25 000 ouvriers. En 1944, l'usine est nationalisée, Louis Renault étant accusé de collaboration.

La régie nationale des usines Renault 
a pour mission de participer à la reconstruction du pays, de produire des véhicules populaires, d'être à la pointe 
du progrès social. Cela ne se fera pas sans une intervention sociale permanente des salariés et d'une CGT forte (75 % environ de l'influence électorale). Ainsi, 
la troisième semaine de congés payés, puis la constitution de la première caisse de retraite complémentaire, puis celle 
d'un fonds de prévoyance chômage, ont été obtenues pour la première fois en France à la suite de luttes sociales fortes chez Renault. Aussi, Renault Billancourt 
va jouir dans le monde du travail et le pays d'une forte attention et sympathie.

Quel a été le déclencheur 
de la grève ?

Au premier trimestre 68, les luttes sociales s'accélèrent en France et dans toutes les usines Renault, avec 135 arrêts de travail partiels et limités à Billancourt et d'autres mouvements au Mans, à Cléon, à Flins… Le taux de participation à la grève nationale de 24 heures le 13 mai est exceptionnel, exprimant à la fois la volonté d'en finir avec la régression sociale et la solidarité avec les étudiants sauvagement réprimés.

Le 16 mai, la CGT Renault invite les travailleurs à décider dans chaque usine, chaque atelier, la poursuite de la lutte pour contraindre la direction de Renault à ouvrir des négociations sur les revendications. 
À midi, Renault Cléon est occupé. Suivent les sites de Flins, du Mans… À Billancourt, 2 000 salariés décident de se mettre en grève. Les autres rentrent à leur domicile. Au nom de la direction du syndicat CGT, 
je leur propose d'occuper l'usine pour 
la nuit et de consulter le lendemain matin les salariés. Dès le lendemain, à l'île Seguin, aucun salarié ne rejoint son poste de travail. Au nom des trois syndicats 
CGT, FO, CFDT, je propose au personnel de voter l'occupation reconductible de cette vaste entreprise. Une forêt de mains levées approuve. L'occupation sera reconduite durant 33 jours et 34 nuits.

Comment a été reçu le « constat » Grenelle ?

Dès le 17 mai, de 8 à 9 millions de salariés se mettent en grève en France 
et occupent leurs entreprises. Il faut attendre dix jours pour obtenir les discussions de Grenelle. Le 28 mai, les travailleurs de Renault ont des résultats par les radios. Direction du syndicat, travailleurs dans les piquets de grève, responsables FO et CFDT : tous apprécient les nombreux résultats positifs 
mais estiment que nombre de questions sociales posées chez Renault ne sont 
pas satisfaites et qu'il n'y a pas lieu de reprendre le travail.

Avant l'arrivée de Benoît Frachon et de Georges Seguy, je propose aux 25 000 salariés, au nom de la CGT, de FO et de la CFDT, la poursuite de la grève, 
ce qu'ils approuvent massivement, mains levées. Lorsque les deux dirigeants de 
la CGT exposent les résultats de Grenelle, les points très positifs sont applaudis, 
les points négatifs ou insatisfaisants sont sifflés. Pour Georges Seguy, il appartient aux salariés de se prononcer dans 
chaque entreprise sur la suite à donner 
au mouvement, comme viennent 
de le faire les salariés de Billancourt. 
Et dans des milliers d'entreprises, la lutte continuera après 
Grenelle jusqu'à l'ouverture 
de discussions.
Les discussions ouvertes dans l'entreprise permettent d'obtenir une réduction du temps 
de travail, l'augmentation 
des salaires avec révision des grilles et revalorisation 
des qualifications, la reconnaissance des sections syndicales dans l'usine… Le 17 juin, près de 75 % du personnel, consulté par bulletins dans les ateliers et bureaux, décide la reprise…

Numéro spécial de la NVOComprendre 1968 – Agir en 2018
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