DÉBAT - Territoires en rupture
La désindustrialisation a aggravé les inégalités entre territoires et au sein de ceux-ci. La mise en concurrence s’est substituée à l’aménagement du territoire, sous le... Lire la suite
Des annonces, enfin ! Le 15 mai, au terme d'un déplacement à Mayotte, la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, a présenté un plan de plus de 1,3 milliard d'euros pour le 101e département français… le plus inégalitaire et le plus pauvre de la République. Ce dispositif se veut, selon elle, « une réponse durable à un échec des politiques publiques depuis de nombreuses années ». Sera-t-il néanmoins à la hauteur des enjeux pour répondre aux exigences de cette petite île de 374 kilomètres carrés rongée depuis des lustres par un déficit chronique d'investissements et de services publics ?
Un « bout de France » abandonné, sujet, de surcroît, à une importante immigration clandestine provenant des Comores – qui en revendiquent par ailleurs la souveraineté. Explosive, la situation met en péril le fragile équilibre de l'île, en proie à une grève générale six semaines durant. Un conflit, achevé début avril, qui est né autour des questions d'immigration et de sécurité, mais qui s'est ensuite élargi à des revendications économiques et sociales. Le plan gouvernemental prévoit en conséquence une série de mesures en faveur, notamment, des services publics : investissements fléchés en direction des collectivités territoriales en matière d'eau et de gestion des déchets ; renforcement des effectifs de gendarmerie ; recrutement de 500 personnes dans l'Éducation nationale ; création d'un rectorat de plein exercice et d'une direction régionale de Pôle emploi en 2019 ; développement des transports en commun…
À l'ordre du jour aussi, la mise en place d'une agence de santé, et la modernisation de l'hôpital de Mamoudzou. Les citoyens les plus modestes seront en outre exemptés de ticket modérateur, avant l'extension de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), en 2022. Pas de quoi crier victoire pour autant aux yeux de l'intersyndicale (CGT, FO, CFDT, CFE-CGC, Solidaires…) échaudée par les précédentes promesses non tenues – notamment en 2014 par le président Hollande qui avait déjà annoncé la mise en place de la CMU-C. L'intersyndicale a d'ailleurs été écartée de la rencontre qui s'est tenue à Paris le 19 avril, entre le premier ministre Édouard Philippe et les élus mahorais, afin d'évoquer l'avenir de Mayotte.
Invités au siège de la CGT à Montreuil, les syndicalistes avaient alors eu l'occasion d'exprimer leurs doutes et leur très grande prudence quant à la capacité du gouvernement à prendre la mesure des enjeux. Des précautions justifiées au regard des annonces faites. « Ce plan est loin de répondre aux attentes des Mahorais, notamment en matière de sécurité, tance Salim Nahouda, secrétaire de la CGT Mayotte. Et l'on ne pourra pas parler de vrai investissement tant que le port ne passera pas en gestion publique et que la piste de l'aéroport ne sera pas rallongée. » Autant de mesures à même d'assurer, selon l'intersyndicale, l'attractivité future du territoire.