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« Frère d’âme », David Diop écrit la Grande guerre d’Alfa, tirailleur sénégalais

26 janvier 2019 | Mise à jour le 28 janvier 2019
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« Frère d’âme », David Diop écrit la Grande guerre d’Alfa, tirailleur sénégalais

Les tranchées, le froid, la boue, les rats, les obus, les combats corps à corps, la mort partout. Déjà absurde pour les soldats de métropole, la Première guerre mondiale est encore plus incompréhensible pour les enrôlés africains. Parmi eux, Alfa et Mademba…

« Ah, Mademba Diop ! ce n'est que quand tu t'es éteint que j'ai vraiment commencé à penser. Ce n'est qu'à ta mort, au crépuscule, que j'ai su, j'ai compris que je n'écouterais plus la voix du devoir, la voix qui ordonne, la voix qui impose la voie. Mais c'était trop tard. »

Dans l'enfer des tranchées de la Première guerre mondiale, Alfa Ndiaye, le plus courageux des tirailleurs sénégalais a perdu à la fois Mademba, son « plus que frère » et la raison. Il n'a en effet pas pu se résoudre à achever son ami blessé à mort, agonisant près de lui sur le champ de bataille, malgré les supplications du mourant.

Ce qu'Alfa avait de plus cher n'est plus et son esprit vacille parmi l'horreur qui l'entoure. Enrôlé pour sa force et sa bravoure, Alfa va trancher (au sens propre) avec tout ce qui lui reste d'humanité et susciter l'effroi. Il rompt aussi sans retour avec la soumission, l'obéissance aveugle à des ordres imbéciles au point de devenir si inquiétant que ses camarades et son commandant vont prendre peur et le faire renvoyer à l'arrière.

Un plaidoyer contre la guerre

Hospitalisé, Alfa comprend qu'il est double : brisé et libre, fort et fragile, innocent et coupable, comme s'il était à la fois lui-même et l'ami intime auquel il ne cesse de s'adresser mentalement en une sorte de transe. Si son corps est là, son esprit est ailleurs et son âme dévastée erre entre passé et présent. Si l'obsédant retour des images de la mort de son ami et des horreurs des combats ne cesse de le hanter, Alfa est aussi traversé par des souvenirs de douceur : l'innocence de l'enfance avec Mademba dans leur village natal ou l'initiation amoureuse avec la douce

Paroles de Poilus, Lettres et carnets du front 1914-1918 Sous la direction de Jean-Pierre Guéno (Librio)

Hallucinante incantation et âpre plaidoyer contre la guerre s'inspirant des Paroles de Poilus, le roman de David Diop – Goncourt des lycéens 2018 – parle d'amitié, d'amour mais aussi de racisme, de colonialisme, de la rébellion contre l'ordre établi qui a permis cette immense boucherie et de la prise de conscience d'un homme plongé dans l'inhumanité.

 

Frère d'âmeDavid Diop. Seuil. 176 pages, 17 €