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LIBERTÉS

Le droit de manifester en danger, entretien avec l’espace Droits et libertés de la CGT

10 février 2019 | Mise à jour le 19 février 2019
Par
Sarah Silva-Descas, conseillère confédérale à l'espace Droits, libertés, et actions juridiques de la CGT fait le point sur l'arsenal juridique que déploie l'État pour réduire le droit de manifester.
NVO, la Nouvelle vie ouvriere, le journal de l'actualité sociale, syndicale et juridiqueLe conseil d'État a tranché. Il n'y a pas d'incompatibilité à se servir des lanceurs de balles de défense lors d'une manifestation, contrairement à ce que soutenaient la CGT et la Ligue des droits de l'homme. Comment analysez-vous cette décision ?

Elle est incompréhensible sauf à considérer qu'elle est politique ! Combien faudra-t-il d'éborgnés avant qu'on se décide à interdire les LBD dans les manifestations ? Le Conseil d'État ne considère donc pas disproportionné le fait de risquer de perdre un œil ou une main en se rendant à une manifestation. C'est contraire à la doctrine de maintien de l'ordre pacifique telle qu'elle a été rappelée devant le juge administratif par le Défenseur des droits.

Quels arguments avez-vous déployé devant le Conseil d'État ?

Chaque semaine, les tirs de LBD 40 font des victimes. Et ce, parce que ces armes de défense supposent des conditions d'usage (stabilité et immobilité du tireur…) qui sont incompatibles avec les mouvements de foule. De plus, si manifester c'est prendre le risque de perdre un œil ou une main, cela va restreindre considérablement l'envie­ de rejoindre un cortège. L'usage de ces armes a un effet dissuasif et constitue donc une atteinte à la liberté fondamentale de manifester. Nous espérions que le Conseil d'État sifflerait le coup d'arrêt de cette violence policière disproportionnée. Nous étudions toutes les autres voies de recours pour juger, non plus en référé, mais sur le fond.

Parallèlement à cette autorisation, on découvre progressivement les contours d'une prochaine loi anticasseurs. Quel signal cela envoie-t-il aux militants ?

C'est une vraie loi anti-manifestants qui émanait, à l'origine, du groupe Les Républicains au Sénat. Durant le débat à l'Assemblée nationale, des députés, même ceux de la République en marche, ont convenu qu'il fallait en atténuer la portée liberticide. Mais, le signal est toujours le même : les manifestants sont des émeutiers en puissance. L'exécutif fait tout passer sous le prisme de gestion du maintien de l'ordre quand nous parlons de principes juridiques, d'un État de droit qui doit garantir la liberté fondamentale d'exprimer ses opinions et son opposition dans la rue.