Fret ferroviaire : la CGT s'insurge contre un scandale d'Etat
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C'est un scandale énorme. La revue Alternatives Économiques évoque même un « capitalisme de prédation et de connivence ». Dans les faits, resituons ce qui se joue à travers le projet de privatisation du groupe ADP (ex-Aéroports de Paris). Sur le fond, tout d'abord : ce joyau d'entreprise publique (détenue à 51 % par l'État) affiche des résultats en constante progression (+ 22 % en 2017). Très rentable, avec un taux de profit de 7 % qui génère 175 millions d'euros de dividendes, elle assure donc une rente significative à l'État.
Assise sur un patrimoine foncier de 6 680 hectares de terrains, tarmacs et infrastructures, construits avec des fonds publics, et située aux portes de la capitale, ADP gère les trois principaux aéroports parisiens (CDG, Orly, Le Bourget) qui sont aussi les principaux points d'accès à la France depuis l'étranger, donc ses premières frontières.
Bien plus qu'une simple entreprise qui ne connaît pas la crise, ADP constitue aussi un atout éminemment stratégique pour la nation, au croisement d'enjeux de sécurité, de souveraineté, d'aménagements du territoire et environnementaux. Et ce qui vaut pour l'aéroportuaire en France est également valable pour le reste du monde, où 86 % des aéroports appartiennent à la puissance publique, notamment aux États-Unis.
Malgré cela, le gouvernement s'obstine à vouloir offrir ADP au secteur privé. Et à céder toutes ses parts à un acteur qui en est déjà actionnaire minoritaire (8 %), le groupe Vinci. Ce même groupe qui avait déjà goûté aux privilèges de la privatisation d'un bien public, les autoroutes, dont la multinationale tricolore tire, depuis, une rente exorbitante pour le seul bénéfice de ses actionnaires et au détriment des citoyens. Dans un récent sondage d'OpinionWay, 95 % d'entre eux se disaient, très logiquement, favorables à la renationalisation du patrimoine autoroutier cédé à Vinci.
Pour justifier cette privatisation d'ADP, de plus en plus contestée de la droite à la gauche de l'hémicycle – en février, le Sénat a majoritairement voté contre la loi Pacte afin d'empêcher cette privatisation –, le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, ne cesse de répéter que « L'État n'a pas vocation à diriger des entreprises concurrentielles à la place d'actionnaires qui ont les compétences et les savoir-faire pour le faire mieux que lui… »
De la bouche du même ministre, on apprenait aussi, début mars, que l'État n'avait pas non plus vocation à fabriquer des boîtes de vitesses, en réponse à la demande des syndicats de Ford Blanquefort de réquisitionner l'usine pour assurer la continuité de la production. Au-delà de ces poncifs sur les vocations supposées de l'État, on fera remarquer à M. Le Maire que la première d'entre elles – qui relève de la Constitution – est l'obligation d'agir dans l'intérêt général et de la nation.
On pourrait aussi lui soumettre le récent rapport de la Cour des comptes qui dresse un bilan au vitriol de la vente de l'aéroport de Toulouse Blagnac où l'incurie de l'État dans la cession de ses avoirs n'a eu d'égal que l'incompétence de l'acquéreur, un consortium chinois inexpérimenté en gestion d'aérogare, dépourvu de la moindre ambition industrielle et dont la recevabilité de la candidature s'est bornée à la lecture de sa capacité financière.
Cinq ans plus tard, on apprend que les caisses de l'entreprise ont été vidées pour engraisser les actionnaires de 27 millions d'euros. En quête d'un repreneur, le consortium veut, à présent, céder ses 49,9 % des parts du capital pour environ 200 millions d'euros, au même prix, donc, qu'au moment de l'acquisition en 2015. Cerise sur le tarmac, le seul candidat à la reprise connu à ce jour n'est autre que Vinci.
Au vu de ces précédentes catastrophes et bien décidée à faire reculer le gouvernement, la CGT d'ADP poursuit sa mobilisation contre cette nouvelle privatisation absurde. Fort des nombreux soutiens qui se sont exprimés au Sénat et dans la société civile – une tribune de juristes spécialistes de droit public est parue dans Le Monde, fin février, pour dénoncer, point par point, cette privatisation – le syndicat compte saisir le Conseil constitutionnel : « Au regard du préambule de la Constitution de 1946, nous avons des raisons de croire qu'ADP n'est pas privatisable », indique Fabrice Michaud de la CGT ADP et secrétaire général de la fédération des transports. Un détail constitutionnel que le gouvernement n'est pas censé ignorer.
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