Ce dimanche 28 avril, la Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation permet de rendre hommage à ces millions d'êtres humains, juifs, tsiganes, roms, slaves, homosexuels, résistants antifascistes, que les nazis ont voulu réduire en cendres. Revenir sur l'Histoire contribue aussi à la lutte contre tous les racismes.
Ce dimanche 28 avril, la « Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation », instaurée par la loi de 1954, permet de rendre hommage aux millions d'êtres humains, juifs, tsiganes, roms, slaves, homosexuels, résistants antifascistes, communistes… que le régime nazi et les États collaborateurs d'Europe, comme la France de Vichy, ont déporté dans les camps de concentration et d'extermination, entre mars 1933 (ouverture du premier camp de concentration nazi à Dachau) et mai 1945 (capitulation de l'Allemagne nazie).
Rendre hommage, comprendre l'Histoire
Soixante-quatorze ans plus tard, l'immense majorité des rescapés n'est plus. Cette journée demeure d'autant plus importante.
D'abord parce que l'entreprise génocidaire nazie croyait pouvoir réduire en cendres non seulement les vies, mais jusqu'aux noms et à la mémoire individuelle et collective de ces millions d'êtres humains ; leur rendre hommage aujourd'hui, c'est leur restituer une sépulture de respect.
Ensuite parce que, comme l'écrivent conjointement plusieurs associations d'anciens déportés et de leurs familles (telles que la Fédération nationale des Déportés et Internés, Résistants et Patriotes — FNDIRP — et la Fondation pour la Mémoire de la Déportation — FMD —) « Sauvegarder cette mémoire, où la souffrance se mêle à l'espérance, doit faireprendre conscience, avant qu'il ne soit trop tard, de l'indispensable solidarité entre les peuples épris de liberté, pourl'emporter sur toutes les formes d'obscurantisme, de fanatisme, de racisme, d'antisémitisme, de xénophobie »
Au-delà de cette journée d'hommage, comprendre les ressorts culturels, politiques, économiques, psychologiques… qui ont permis le génocide, c'est donc aussi contribuer à ce qu'il ne se reproduise pas, sous quelque forme que ce soit, contre quelque peuple que ce soit, quelles qu'en soient les victimes potentielles ; c'est concourir à la lutte contre toute forme de racisme.
Dangers nationalistes
L'enjeu est de taille, tandis que dans plusieurs conflits sont mis en cause de possibles crimes de guerre, plus de sept décennies après les décisions du Tribunal de Nuremberg, prémices d'une justice internationale encore en construction, contre les crimes et criminels de guerre, de génocide et contre l'Humanité.
Et en ce début du 21e siècle, les thèses racistes, nationalistes, d'extrême droite, marquent des points dans le monde, jusqu'au sein de l'Union européenne où plusieurs pays — Hongrie, Pologne, Autriche, Italie… – ont porté au pouvoir des droites extrêmes et des extrêmes droites, faisant de l'Autre une menace sur « l'identité nationale » et le bouc émissaire des crises, parce qu'immigré, ou parce que d'une religion désignée comme étrangère aux prétendues « racines » du pays ou de la « civilisation européenne ».
Lynchages anti-roms en France
En France, en mars dernier, une vieille rumeur a été exhumée de peurs et haines séculaires obscurantistes et circulé sur les réseaux sociaux, accusant des Roms, contre toute réalité, d'enlever des enfants à bord de camionnettes blanches.
Cinquante ans plus tôt, en 1969, une rumeur analogue a couru à Orléans et dans plusieurs villes françaises : des commerçants juifs étaient accusés d'organiser depuis leurs boutiques la « traite des blanches ».
En mars dernier, en région parisienne en particulier, de véritables lynchages contre les Roms, ont suivi ces rumeurs. Entre le 16 mars et le 5 avril, 36 agressions racistes ont été recensées avec injures, tabassages, destructions de caravanes et de biens, comme autant de pogroms du 21e siècle.
Certains des auteurs de ces violences ont heureusement été jugés et condamnés. Sans pour autant que soit organisée de grande manifestation nationale contre ces violences racistes, six ans après le discours de Manuel Valls qui, alors ministre de l'Intérieur, avait notamment déclaré que les Roms « sont à l'origine de problèmes qui prennent parfois des formes inquiétantes » ou que, bien que citoyens européens, ils auraient « vocation à revenir en Roumanie ou en Bulgarie ».
De fait, chaque année, nombre d'entre eux subissent des autorités la destruction de leurs lieux de vie et le renvoi hors des frontières nationales.
CNCDH : racisme en baisse mais actes racistes en hausse et discriminations persistantes
Le 23 avril, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) a publié son 28e rapport annuel sur la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie. Le chercheur Vincent Tiberj a créé voici plusieurs années « l'indice de tolérance » qui mesure le taux d'acceptation de telle ou telle minorité par la majorité des citoyens. Le rapport, cette année, met en évidence « un niveau de tolérance record face à des discriminations persistantes qui sapent l'accès aux droits fondamentaux ».
Il précise : « La tolérance, mesurée par les réponses aux questions posées, n'a jamais été aussi élevée (67 points sur une échelle de 100) (Voir encadré). La CNCDH ne peut que s'en réjouir, d'autant plus que cette tolérance s'accroît en particulier dans les jeunes générations. Mais la réalité doit être saisie dans sa complexité. (…) D'une part, elle se manifeste de manière différente selon ceux dont on parle. (…) D'autre part, cette progressive montée de la tolérance, selon un mouvement ininterrompu depuis plusieurs années, ne fait pas obstacle à un regain des actes racistes provenant de personnes demeurant hostiles : les actes de menaces ou de violences, qui ne laissent jamais intactes les victimes, n'ont pas diminué avec la diminution de l'intolérance. »
En outre, « selon les enquêtes de victimation les plus sérieuses, 1,1 million de personnes se disent victimes chaque année de menaces, de violences ou de discriminations à caractère raciste. Or, en 2017, plus de 6 000 affaires racistes ont été orientées par les parquets ayant abouti pour 9 % seulement d'entre elles à une condamnation ».
Dans leur message commun, les associations de déportés le rappellent : dans cette « Europe dont la vocation est de garantir la paix et la prospérité des pays qui la composent », il s'agit de « l'emporter sur toutes les formes d'obscurantisme, de fanatisme, de racisme, d'antisémitisme, de xénophobie ». À travers l'hommage rendu aux victimes e héros de la déportation ce dimanche, il s'agit bien plus que « d'une journée symbolique. Il s'agit, pour les générations futures, de poursuivre avec détermination ce combat contre l'égoïsme et la peur. C'est ainsi que l'hommage aux déportés prendra tout son sens pour construire un avenir de paix, de fraternité et de respect de la dignité humaine ».