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France Télécom : un jugement qui doit faire date

Frédéric Dayan
11 juillet 2019 | Mise à jour le 12 juillet 2019
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C’est cette semaine que se clôt le procès des suicides de France Télécom à l’issue duquel le Parquet de Paris a requis 75 000 euros d’amende contre l’entreprise devenue Orange et un an de prison contre ses ex-dirigeants, dont l’ancien PDG Didier Lombard, pour « harcèlement moral ».

Épilogue espérons-le d’un procès hors norme au cours duquel a été mise en évidence l’obsession de ces dirigeants de provoquer le départ à tout prix et en silence, sans plan social de 22 000 salariés et de la mobilité de 10 000 personnes en trois ans. Au point comme l’a dit un avocat que c’était devenu « le cœur de métier des dirigeants de France Télécom ». La pression sur les salariés a été telle que le mépris qu’ils ont dû affronter « s’est malheureusement retourné en mépris de soi » a accusé l’un des avocats des familles des victimes.

Ce procès hors norme ne peut se solder par un jugement en demi-teinte ni par des peines symboliques. « L’écart » entre les peines requises et la souffrance des victimes « est tel qu’il ne faut pas espérer trouver du sens dans le montant des peines qui seront prononcées », a prévenu l’un des avocats des victimes. Mais ce défenseur a voulu insister sur la portée politique d’un tel procès et d’un tel jugement : « Ce qu’il s’est passé à France Télécom doit être rangé parmi les interdits majeurs d’une société ».

Ce procès a jeté une lumière crue sur ce Wall-Street Management qui s’est imposé comme une loi d’airain dans les entreprises dopées, droguées, cancérisées par la financiarisation. Mais « combien de clones France Télécom ? » interroge la CGT des ingénieurs, cadres et techniciens pour qui « réorganisations permanentes, remises en cause du professionnalisme, perte de sens, insécurité professionnelle et sociale, sont au cœur du management par les coûts qui sévit depuis de longues années dans le privé et s'exporte désormais dans les entreprises publiques, les hôpitaux, les collectivités, et la fonction publique d'État. » C’est ce que vivent notamment quelque 220 000 salariés de la SNCF et d'EDF ou les millions de fonctionnaires victimes des réorganisations rapides et violentes qui sont en cours.

Comme à France Télécom, il y a dix ans, le déni est la posture la plus en vogue dans les états-majors qui pour ne pas remettre en cause le système persistent à invoquer les faiblesses et les fragilités personnelles et placent l'encadrement en situation de renoncer à toute éthique. Le procès qui s’achève aura permis de dénoncer, de mettre des mots sur la terreur vécue. D’en montrer le caractère systémique. Mais il faut aller plus loin et combattre ces stratégies partout où elles sont à l’œuvre. À cette fin, l’organisation spécifique CGT des ingénieurs, cadres et technicien a lancé une application « pour évaluer et mettre en lumière les dégradations des conditions de vie et de travail qui pèsent sur le collectif de travail, et ainsi permettre une vraie négociation collective sur le sujet. L'enjeu : rompre avec les dispositifs de façade et de papier glacé, en décalage complet avec le vécu de terrain ».