1500 postes d’internes en moins à la rentrée
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Régler la crise des urgences et éviter qu'elle ne s'étende à tout le secteur hospitalier. Tel était l'objectif poursuivi par la ministre de la Santé et des Solidarités, Agnès Buzyn. Recevant tous les acteurs du secteur (syndicats, fédération hospitalière, représentants des médecins libéraux et hospitaliers, collectif Inter-Urgences qui réunit des paramédicaux non syndiqués, etc.) lundi 9 septembre 2019, elle leur a présenté « un pacte de refondation des urgences » élaboré à partir de douze mesures.
Montant de la dépense pour cette troisième salve d'annonces : « plus de 754 millions d'euros » d'ici à 2022.
Face à la grève des infirmiers et aides-soignants des services d'urgences qui fait tache d'huile depuis six mois – 250 services étaient en grève le mardi 10 septembre, contre 239 le lundi 2 septembre, selon le collectif Inter-Urgences qui a le soutien d'une intersyndicale CGT-FO-SUD –, la ministre voulait démontrer qu'elle prenait enfin la mesure de la situation.
Cette fois encore, c'est raté : les grévistes n'ont pas été convaincus puisque, le mardi 10 septembre, en fin de journée, ils ont voté la poursuite de leur mouvement lors de l'assemblée générale nationale du collectif Inter-Urgences réunie à Saint-Denis (93).
En juin dernier, sortant de plusieurs mois de silence, la ministre de la Santé avait finalement débloqué 70 millions d'euros – dont 55 pour des primes individuelles d'un montant de 100 euros net. « Insatisfaisant », avait alors jugé le collectif de paramédicaux. Le 2 septembre, quelques mesures ont été annoncées en amont de la rencontre de lundi dernier, à la fois pour préparer le terrain mais aussi tenter de semer la zizanie au sein du collectif Inter-Urgences.
Au final, elles ont surtout agacé, pour se résumer à la mise en œuvre de la loi « Ma santé 2022 », votée en juillet, et du rapport Carli-Mesnier attendu pour novembre.
C'est, par exemple, l'élargissement des compétences et des responsabilités des paramédicaux ; la mise en place d'une « filière d'admission directe » pour les personnes âgées en passant par la « vidéo-assistance entre les Ehpad et le Samu », celui-ci pouvant désormais orienter les patients vers la médecine de ville où ils seront reçus dans les mêmes conditions qu'aux urgences de l'hôpital.
La ministre de la Santé a aussi indiqué sa volonté de généraliser « la gestion informatisée en temps réel des lits » via un « bed manager » chargé d'optimiser les disponibilités de lits dans les établissements… À supposer qu'il y en ait.
Évidemment, du point de vue des grévistes, que la ministre de la Santé mette 70 millions d'euros sur la table ou 754, cela revient à peu près au même : c'est une goutte d'eau au regard des 3,8 milliards d'euros d'économies demandés à l'hôpital en 2019. De plus, destinés à désengorger les urgences, ces 754 millions d'euros ne s'ajoutent pas au budget déjà prévu pour les dépenses de santé (Objectif national de dépense d'assurance maladie – Ondam).
En réalité, ils seront puisés dans des crédits existants liés à la mise en œuvre des restructurations prévues. Il s'agit notamment du recours accru à la médecine de ville, ou encore du regroupement d'établissements dans les territoires inscrits dans la nouvelle loi santé. Ce qui implique à la fois la poursuite des réductions de personnels à l'hôpital, mais aussi l'éloignement des établissements de santé pour les patients. Pas de quoi apaiser le conflit.
Des douze mesures annoncées ce lundi 9 septembre – parmi lesquelles se trouvent donc celles déjà dévoilées le 2 septembre –, la création d’un « service d’accès aux soins » (SAS) sur tout le territoire est la mesure qui est présentée par Agnès Buzyn comme étant la plus importante. Elle devrait permettre de répondre, « à toute heure, à la demande de soins des Français » et pourra orienter, 24 heures sur 24, vers une consultation en ville, une téléconsultation, les urgences ou encore envoyer une ambulance.
Sa mise en place est prévue « à l’été 2020 ». Qu'il s'agisse de « l'offre de consultations médicales sans rendez-vous, en cabinet, maison et centre de santé », de la réforme du financement des urgences ou du déploiement de 3 500 assistants médicaux à compter de septembre 2019, le « pacte de refondation des urgences » est à mille lieues des revendications du collectif Inter-Urgences. À savoir : une revalorisation salariale de 300 euros ; la création de postes supplémentaires dans les services ; et l’arrêt des fermetures de lits. Ce sont les mêmes depuis le début du mouvement et le collectif attend seulement que la ministre y réponde « dans le détail » pour arrêter la grève.
Dans un appel publié le 8 septembre dans le quotidien Libération, des médecins hospitaliers et des personnels soignants s'inquiètent des dernières propositions d'Agnès Buzyn, au motif qu'elles témoignent « au mieux d'une méconnaissance du problème ».
Est-ce l'explication ? Ou le résultat d'un manque de dialogue avec les acteurs du secteur ? Voire l'expression d'un entêtement budgétaire ? Le fait est qu'Agnès Buzyn passe à côté de toutes les revendications.
Dernières en date, celles des médecins urgentistes. Voulant « lutter plus efficacement contre les dérives de l'intérim médical », la mesure 9 du plan Buzyn interdit purement et simplement le cumul entre un exercice de praticien hospitalier et celui de contractuel ou d'intérimaire. Or, selon l'association des médecins urgentistes de France (Amuf), le phénomène pourrait être aisément enrayé via diverses mesures permettant d'aligner « le montant des rémunérations des praticiens qui effectuent du temps de travail additionnel, sur le montant moyen des rémunérations en intérim. »
L'association s'en explique dans son communiqué de presse du 9 août 2019 : nombre de médecins urgentistes « démissionnent » ou « diminuent leur temps de travail pour échapper au rythme infernal de travail imposé à l'hôpital », et ces derniers se tournent vers l'interim « pour compléter leur rémunération tout en maîtrisant leur temps de travail ». Sauf amélioration des conditions de travail à l'hôpital, la mesure Buzyn pourrait donc s'avérer contre-productive en précipitant les démissions.
Outre l'Amuf, plusieurs associations de médecins hospitaliers – Printemps de la psychiatrie, Syndicat national des médecins hospitaliers, jeunesmedecins.fr, Sud Santé, le Samu Urgences de France, le syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs élargi, etc. – appellent les praticiens « à rejoindre la mobilisation » afin de « mettre fin aux restrictions budgétaires pour l'hôpital public ». Car, rares sont ceux qui contestent ce point : il faut desserrer la contrainte budgétaire qui pèse sur l'hôpital.
La CGT, qui note « une inflexion du gouvernement » et « reste prête à discuter de mesures organisationnelles », porte au niveau national « l'évidente nécessité de desserrer l'étau financier qui étrangle les hôpitaux ». Pour ce faire, la confédération réclame une progression de l'Ondam de 5% dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Et ce, afin de répondre aux besoins de la population ; la nouvelle loi santé ne prévoyant que 2,5 % par an d'ici 2022.
Luttes dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), dans les hôpitaux psychiatriques, aujourd'hui dans les services d'urgences, mais aussi, depuis plusieurs années, au niveau local pour sauver, ici, une maternité, là, un hôpital… C'est en réalité tout le secteur hospitalier qui est en crise et menace de s'embraser.
Car « tout notre système de santé et d'action sociale est à bout de souffle, et le personnel en souffrance pour exercer sa mission », avertit la fédération Santé et Action sociale CGT dans un communiqué publié mardi 10 septembre 2019. Ses revendications vont d'« effectifs en nombre suffisant dans l'immédiat », avec un plan de formation de personnels pluridisciplinaires, à la « reconnaissance des qualifications et de la pénibilité pour tous les personnels » de la santé et de l'action sociale, en passant par la « suppression des taxes sur les salaires (4 milliards d’euros) qui permettrait de créer 100 000 emplois » ou par « l'augmentation des salaires » et « un moratoire sur les fermetures d'établissements et de lits dans les services ».
Réclamant sur tous ces sujets « l'ouverture de réelles et sérieuses négociations » avec la ministre Agnès Buzyn, la fédération CGT Santé et Action sociale appelle les personnels à faire grève et lance « une grande journée d'action nationale » pour ce mercredi 11 septembre. La manifestation parisienne partira à 13 heures de la place d'Italie en direction du ministère de la Santé.
Nul doute que des paramédicaux des urgences grévistes, syndiqués ou non, seront présents dans les cortèges. L'assemblée générale du collectif Inter-urgences a de son côté acté le principe de « rassemblements locaux » le 26 septembre prochain, en attendant de fixer une « date de mobilisation nationale ».
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