Elle en a gros sur le cœur, Sylvie Auconie. Après une trentaine d'années de bons et loyaux services à La Poste de Tulle, en Corrèze, cette factrice de 59 ans appréciée de tous, collègues et usagers, se voyait en effet signifier, le 12 novembre dernier, une « mise à pied d'un mois non rémunérée ».
Une sanction disciplinaire aussi incompréhensible que grotesque au regard du motif invoqué : avoir voulu rendre service !
Un lien social refusé
« Une personne qui recevait beaucoup d'objets de la poste m'avait demandé de signer à sa place à la réception des colis pour lui éviter tout un tas de va-et-vient à la poste et donc j'avais signé », explique Sylvie qui justifie son geste, si besoin était, en rappelant qu’« amener le pain chez une mémé ou rendre service, on a toujours fait ça ». Un lien social plus que nécessaire dans une région rurale où le préposé représente pour certains la seule visite, le seul échange de la journée.
Un geste manifestement peu apprécié de la direction tulliste de La Poste qui, dans un communiqué, affirmait qu'« en signant à la place de la cliente sans procuration, elle a dérogé à sa mission et à sa prestation de serment » et que « La Poste se doit de réagir car ce comportement entache la confiance que les clients accordent aux facteurs et à l'entreprise ».
Des usagers mobilisés
Reste que les « clients » en question ont du mal à être convaincus par ce rappel au règlement. Près de 9 000 d'entre eux ont déjà signé une pétition en soutien à Sylvie. Insistant sur le fait que « rendre service : c'est le sens de leur travail » et jugeant « insupportable de constater que Sylvie Auconie subit des pressions de toutes sortes de la part de sa direction alors même que sa carrière jusque-là a été exemplaire ».
Mieux, ces « Usagers de la Poste », comme ils se nomment, ont même lancé une cagnotte solidaire sur Internet afin de l'aider à « supporter la sanction ».
Une sanction contre des grévistes
« Le problème, c'est qu'il y a eu une grève qui a duré 29 jours au mois de juillet sur Tulle et depuis, la direction met une pression phénoménale sur tous les grévistes et Sylvie en faisait partie », relève Karine Lavaud, secrétaire départementale de la FAPT CGT de Corrèze.
« Les facteurs s'opposaient à une réorganisation de leur service qui prévoyait la suppression de huit postes, ce qui les obligeait à des cadences infernales. C'est pour cela qu'ils ont fait ces 29 jours de grève. Malheureusement, la direction a quand même fait sauter 6 postes. Depuis, l'ambiance est très tendue. »
Déshumanisation programmée
« Ils sont en train de détruire le métier », poursuit la secrétaire syndicale. « Ils ne veulent plus de ce lien humain qu'il y avait, sauf si c'est monnayé, et ceux qui passent outre subissent des sanctions derrière. »
Une déshumanisation programmée, si l'on peut dire, depuis que les facteurs sont équipés de smartphones disposant d'une application permettant de surveiller leurs faits et gestes, et/ou les éventuels écarts aux tournées préétablies. Et qui, à l'évidence, n'enthousiasme guère la population locale.
« Il y a eu une grande solidarité lors de la grève à Tulle mais aussi maintenant, pour Sylvie », constate avec plaisir Karine Lavaud. « Ça, c'est positif. »