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ENVIRONNEMENT

Convention citoyenne sur le climat : grand écart présidentiel entre les mots et les actes

6 juillet 2020 | Mise à jour le 6 juillet 2020
Par | Photo(s) : Antoine Merlet / AFP
Convention citoyenne sur le climat : grand écart présidentiel entre les mots et les actes

Dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, une Convention citoyenne pour le climat a été constituée en France en octobre 2019. En soutien à cette convention, Youth For Climate a organisé plusieurs actions en France, dont celle à l'image, mise en place à Lyon le 21 juin dernier.

La Convention citoyenne pour le climat a présenté, fin juin, 149 propositions ambitieuses pour allier environnement et social. Emmanuel Macron annonce en reprendre 146. En réalité, derrière le discours « vert du Président », les actes sont encore loin de suivre.

Le timing était soigné. Au lendemain du second tour des élections municipales où se sont exprimées, notamment dans les villes, les attentes des citoyens en matière de respect de l'environnement après des mois de marches pour le climat et la biodiversité, et après plus de trois mois de crise sanitaire, Emmanuel Macron recevait dans les jardins de l'Élysée les 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat.

Histoire de verdir son image après la déroute électorale de sa majorité parlementaire, et près de deux ans après la démission de Nicolas Hulot, le président de la République a annoncé retenir la quasi-totalité des propositions de la Convention pour les présenter au débat, sauf trois. Las, tant au gouvernement qu'à l'Assemblée, sa majorité s'est empressée d'en retoquer la substance. Explications.

Suite aux mouvements sociaux

Mise en place lors du mouvement des « Gilets jaunes » et des marches pour le climat, la Convention citoyenne pour le climat se compose de 150 citoyens tirés au sort en tenant compte de différents critères (âge, catégorie socioprofessionnelle, région d'appartenance…).

Installée en octobre 2019, au Conseil économique, social et environnemental (Cese), elle était censée répondre à une question : « Comment réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40 % d'ici 2030, dans un esprit de justice sociale ? » Durant neuf mois, en sept sessions de trois jours, rencontres et échanges, elle a planché sur cinq thématiques : se déplacer, consommer, se loger, produire et travailler, se nourrir. Plus un thème transversal (notamment sur le financement des mesures proposées). Pour rendre, le 21 juin, un rapport de 600 pages et formulé 149 propositions.

Dans un communiqué, la CGT rappelle qu'elle « avait exprimé ses doutes sur la mise en place d'un dispositif verrouillé dès le départ dans son cadre, sa gouvernance, le choix des documents mis à disposition et les possibilités d'audition, l'absence de débats contradictoires. » Toutefois, ajoute la confédération, « elle a pu être auditionnée deux fois et a transmis un document de propositions détaillées ».

À la lecture des propositions, elle constate : « Malgré les limites posées d'emblée par le cadre mis en place, les membres de la Convention ont mené les débats en ayant à cœur de prendre leur autonomie et de ne pas censurer leur expression. Un certain nombre de propositions sont assez proches des revendications de la CGT en la matière et marquent une volonté de remise en cause d'un système économique centré sur le profit immédiat, la rentabilité, et donc incompatible avec les enjeux de préservation de l'environnement. C'est le cas, par exemple, des propositions de hausse de l'ISF, de taxation des Gafa ou de nationalisation des grands groupes de secteurs essentiels. »

149 propositions

Parmi ces propositions, en effet, on peut citer le développement du ferroviaire au détriment de l'aérien et de la route (avec une baisse de la TVA de 10 % à 5,5 % sur les billets, un investissement massif dans les infrastructures ferroviaires, une réduction de la circulation des poids lourds, la mise en place d'une écocontribution kilométrique renforcée sur les billets d'avion…).

Mais aussi le développement des filières réparation, recyclage, gestion des déchets, l'ajout du bilan carbone dans les bilans annuels, la réduction du temps de travail, un moratoire sur l'installation des zones commerciales, la division des surfaces urbanisables, la réduction de la publicité pour ne plus inciter à la surconsommation, la mise en place de clauses environnementales dans les marchés publics, la rénovation énergétique des bâtiments d'ici 2040, l'introduction d'un score carbone sur les produits de consommation, la mise en place de chèques alimentaires pour les foyers les plus modestes… La Convention propose en revanche assez peu en matière de production énergétique.

Elle réclame la renégociation du Ceta (accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada, aux conséquences désastreuses tant sur le plan écologique que social). En matière de financement, la Convention propose de conditionner les aides publiques aux entreprises aux évolutions de leur bilan de gaz à effet de serre. Elle propose aussi une taxe de 4 % sur les dividendes pour les entreprises qui en versent plus de 10 millions d'euros par mois, et de 2 % pour celles dont les dividendes sont inférieurs ou égaux à 10 millions d'euros.

D'autres idées ont émergé en faveur d’une taxe sur les transactions financières, les fournisseurs de services numériques et la vidéo, ou encore, pour les particuliers, l'intégration d'une nouvelle tranche d'imposition pour les revenus au-delà de 250 000 euros, mais aussi le rétablissement de l'ISF.

Les discours et les actes

Le 29 juin, Emmanuel Macron a dit retenir 146 propositions. Il a mis son veto en revanche sur trois autres : d'une part, le passage aux 110 km/heure sur l'autoroute, d'autre part la réécriture proposée de l'article premier de la Constitution pour y introduire la préservation de l'environnement et, enfin, la taxation sur les dividendes des entreprises.

Il a annoncé que les mesures proposées entrant dans le champ règlementaire seraient discutées lors d'un conseil (ministériel) de défense écologique, que d'autres seraient intégrées au plan de relance soumis au Parlement d'ici la fin de l'été et assorti de 15 milliards d'euros supplémentaires, qu'un projet de loi spécifique serait élaboré d'ici la fin de l'été également pour celles relevant du champ règlementaire. Un référendum devrait être organisé d'ici 2021 pour introduire la notion d'environnement dans la Constitution et un autre en 2021 sur des mesures spécifiques.

« Mais, quels que soient les bonnes volontés et l'engagement citoyen, c'est la manière dont le gouvernement va maintenant trier et modifier les mesures qui sera déterminante… Et c'est là que ça se complique forcément », note la CGT.

De fait, les propositions concernant le ferroviaire, par exemple, se heurtent à toute la politique gouvernementale en cours. Et Emmanuel Macron a déjà réduit le seuil des distances amenant à préférer le train à l'avion. Sur le Ceta, il renvoie en réalité à l'Europe. Sur la taxe carbone, il renvoie aussi à l'échelon européen. Sur la fiscalité, il ne veut pas de changement…

Plusieurs ministres ont à leur tour écarté diverses propositions comme la baisse de TVA sur les billets de train.

« Au moment même où la Convention rendait ses conclusions et se prononçait, comme 81 % des Français, pour des contreparties climatiques solides en échange de l'aide publique consentie aux grandes entreprises pour faire face à la crise, la majorité LREM retoquait toute forme d'écoconditionnalité en commission des finances, lors de la discussion du troisième projet de loi de finances rectificative », dénonce ainsi Clément Sénéchal, chargé de campagne sur les politiques climatiques pour Greenpeace France. Et Raphaël Pradeau, d'Attac, abonde : « On nous a dit : « Circulez, il n'y a rien à voir ! » Les parlementaires de la majorité rejettent toutes les mesures allant dans le sens de la justice fiscale. »

Questions de démocratie

Tandis que la démocratie est en souffrance, Emmanuel Macron voit en tout cas dans la convocation de conventions citoyennes une porte de sortie possible. De fait, selon la diversité de leur composition, leur organisation, les rencontres qu'elles favorisent ou non avec les acteurs de la société civile organisée, elles peuvent permettre l'émergence de propositions nécessitant ensuite de vrais débats publics.

Mais, de même que lorsqu'il a composé sa liste de candidats aux législatives, Emmanuel Macron n'évoque la « société civile » qu'en en évacuant la notion de « société civile organisée ».

C'est ainsi que pour les réformes qu'il a voulues en particulier dans le domaine social et qu'il continue à promouvoir, comme sa réforme libérale des retraites, il a confondu négociation avec les organisations syndicales et chambre d'enregistrement de ses décisions. On peut dès lors s'interroger sur le sens qu'il entend donner à la réforme du Cese qu'il appelle de ses vœux.

Clairement, en tout cas, la bataille est loin d'être terminée pour le climat, le respect de l'environnement et la biodiversité, et les indissociables exigences sociales et écologiques.

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