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CINÉMA

« Never, rarely, sometimes, always », un road-movie féminin et politique

22 août 2020 | Mise à jour le 21 août 2020
Par | Photo(s) : Focus Features
« Never, rarely, sometimes, always », un road-movie féminin et politique

Sidney Flanigan est Autumn et Talia Ryder joue Skylar.

Couronné du Grand Prix du Jury au festival de Berlin, en février dernier, Never, rarely, sometimes, always, le troisième film d'Eliza Hittman est un road-movie politique, intimiste, féminin. Et une plongée terrible dans l'Amérique de Trump où le droit à l'avortement est de plus en plus menacé.

Ça commence par un spectacle de fin d'année scolaire où elle chante devant une salle partagée entre indifférence et moqueries. Un public à l'image de la société américaine…

Autumn, 17 ans, lycéenne en Pennsylvanie, est enceinte et a décidé d'avorter. Mais le consentement des parents est requis pour avorter dans cet État et de toute façon, au cœur de cette Amérique profonde, les différents guichets sociaux sont « pro-life » et voudraient l'en dissuader. Sans pouvoir compter sur sa famille ni sur le petit copain, elle n'a d'autre alliée, dans cette épreuve, que Skylar, sa cousine du même âge avec qui elle bosse régulièrement à l'épicerie du coin.

Sensibilité et intimité

Dans Beach rats, son deuxième film (2017), Eliza Hittman filmait avec délicatesse les hésitations et les frustrations d'un jeune new-yorkais aux prises avec son identité sexuelle. On retrouve l'intérêt et le respect consacré à cette étape charnière de l'arrivée à l'âge adulte dans Never Rarely Sometimes Always. On y retrouve aussi cette sensibilité pour filmer l'intime à la bonne distance.

Caméra à l'épaule, la cinéaste filme cette jeune femme comme une combattante dans son parcours pour interrompre sa grossesse aux États-Unis, où ce droit est menacé. Ni pathos, ni filtre pour cette chronique sociale sans concession qui prend l'allure d'un road-movie épique et tendu, lorsque Autumn et Skylar quittent leur Amérique rurale en direction de la grande métropole new-yorkaise, où existe une possibilité de soin.

Un tableau fait de nuances

La cinéaste filme la solitude mais aussi la solidarité féminine ; l'extrême vulnérabilité de ses héroïnes mais aussi leur pugnacité ; l'ampleur de la menace masculine mais aussi une raison d'espérer. Pas de manichéisme donc, mais un faux suspense entretenu par le titre du film, Jamais, parfois, rarement, toujours, et la banalité douloureuse des abus sexuels subis au sein du cercle intime.

L'interprétation de Sidney Flanigan, est admirable de retenue pendant tout le récit. Et fait éclore l'émotion, quand en bout de parcours, elle doit répondre aux questions « Il arrive à mon partenaire de me frapper… », « Il arrive à mon partenaire de m'obliger à avoir des relations sexuelles même quand je n'en ai pas envie… » par l'un des quatre adverbes  Jamais, parfois, rarement, toujours (Never Rarely Sometimes Always).

Transposition américaine de faits réels

Découvert au festival de Sundance avant d’être primé en février dernier au festival du film de Berlin (Grand prix du jury), l'idée du film est née en 2012 à partir de l’affaire concernant Savita Halappanavar, une jeune femme indienne vivant en Irlande, décédée après que des médecins aient refusé d’interrompre sa grossesse alors qu’elle faisait une fausse couche.

« J’ai commencé à faire des recherches sur le parcours des femmes irlandaises se rendant à Londres pendant 24 heures pour avorter, expliquait-elle lors de la Berlinale. J’étais frappée par ce voyage que beaucoup de femmes à travers le monde doivent faire ».

Contexte politique menaçant

Rappelons que pour décrocher un second mandat lors de la prochaine élection présidentielle, en novembre prochain, Donald Trump courtise les électeurs de la droite religieuse en affichant régulièrement son opposition à l’avortement. Cette menace potentielle sur les droits constitutionnels des Américaines confère – malheureusement à ce film – ­­­­­une dimension supplémentaire d'urgence sociale et politique.

Never, rarely, sometimes, alwaysréalisé par Eliza Hittman. 1 h 42. Sortie nationale : 19 août 2020