4 décembre 2020 | Mise à jour le 4 décembre 2020
De longues années d'enquête permettent à Olivier Fillieule et Fabien Jobard de faire le constat des régressions successives dans la gestion du maintien de l'ordre en France. Face aux manifestations et aux tensions sociales, le choix de la répression prévaut sur celui de la désescalade. Une analyse particulièrement intéressante dans cette séquence sécuritariste voulue par le gouvernement.
« La manifestation dans l'espace public est réputée relever d'une liberté fondamentale, que celle-ci prenne la forme de la simple expression d'une opinion ou qu'elle se traduise par l'appropriation de la voie publique par défilés, cortèges, sit-in, ou tout autre modalité. Mais ce n'est que très récemment, et très timidement, que les textes, tant nationaux qu'internationaux, ont fait de la manifestation une liberté publique reconnue comme telle », rappellent dans leur dernier ouvrage Olivier Fillieule (professeur de sociologie politique à l'Institut d’études politiques (IEP) de l’université de Lausanne) et Fabien Jobard (directeur de recherches au CNRS (Cesdip) et directeur du Groupement européen de recherches sur les normativités), qui étudient comment pourtant manifester relève d'une « liberté sous surveillance ».
Dans Politiques du désordre, les auteurs décryptent en effet l'évolution historique des politiques de maintien de l'ordre en France et leur brutalisation. Une régression qui rompt avec la doctrine censée prévaloir après 1968 et qui, si elle est revendiquée par des syndicats de policiers, relève d'orientations décidées en haut lieu dans une logique dissuasive face aux tensions sociales.
Contre la loi Sécurité globale et les violences policières, défendre la liberté d'expression
Le choix de la répression
Dans ce contexte, rappellent-ils, les affrontements entre la police et les manifestants se multiplient ces dernières années et le bilan de la répression est très lourd. Voici plusieurs années déjà que les auteurs constatent cette évolution particulière à la France quand d'autres pays européens ont fait le choix de la « désescalade ».
S'appuyant sur un long travail d'enquête, Olivier Fillieule et Fabien Jobard analysent les évolutions de ce maintien de l'ordre, les rapports entre police et pouvoir, le regard posé sur les médias, les discours qui accompagnent le choix répressif, les conséquences des doctrines qui prévalent, et le défi dès lors posé à la démocratie.
Un ouvrage particulièrement bienvenu alors que le ministre de l'Intérieur promeut un nouveau schéma de maintien de l'ordre et que la majorité présidentielle entend faire adopter une loi dite de « sécurité globale » que les organisations de journalistes ou de défense du droit dénoncent comme autant de menaces liberticides.