Saisi par plusieurs professionnels de la culture, le Conseil d'État a validé, le 23 décembre, la fermeture des théâtres et cinémas au vu du contexte sanitaire. La réaction de Denis Gravouil, secrétaire général de la CGT Spectacle.
Le Conseil d'État vient de valider la fermeture des théâtres et cinémas, décidée par le gouvernement jusqu’au 7 janvier au moins, au vu du « contexte sanitaire » et du « risque d'augmentation de l'épidémie à court terme » mais a donné partiellement raison aux professionnels du spectacle en précisant que si la situation venait à s’améliorer sur le front du coronavirus, « leur fermeture ne pourrait être maintenue au seul motif qu'il existe un risque » de contamination dans ces lieux.
Vous attendiez-vous à cette décision ?
Denis Gravouil : Un peu. On s'attendait à ce qu'il dise « bon, là, la contamination est trop forte, il n'est vraiment pas possible de rouvrir mais le gouvernement ne motive pas assez sa décision de traiter particulièrement durement les lieux de spectacle et de cinéma ». Nous l'interprétons comme une décision qui dit qu'il n'y a pas de contamination dans les lieux de spectacle, la seule raison pour laquelle nous sommes fermés, c'est parce qu'il faut limiter le plus possible les sorties de tout un chacun. Cela reste, dans les faits, inéquitable par rapport aux centres commerciaux ou aux lieux de culte mais c'était presque attendu.
En revanche, ce qui est intéressant, ce sont les motivations qu'il faudra donner à ces fermetures pour la suite. Le gouvernement ne pourra pas faire comme il a fait jusqu'ici. Il va devoir motiver plus précisément ses décisions de fermeture pour ces lieux-là… On sentait que la décision tomberait janvier. Et puis, deux jours avant Noël, qui va se lancer dans la reprise d'une programmation de spectacle ?
Lors de votre mobilisation dans la rue, le 15 décembre dernier, vous aviez obtenu de Roselyne Bachelot qu'elle reçoive les représentants de la culture pour mieux vous associer aux décisions. Est-ce le cas ?
Cela a mal commencé. Lors de la première rencontre qui a eu lieu, le 22 décembre, seuls les patrons du spectacle vivant ont été reçus et dans des conditions totalement irrespectueuses des règles de représentativité. Fut notamment invité Stanislas Nordey, metteur en scène et directeur du théâtre de Strasbourg, mais qui ne dispose d'aucun mandat.
Il n'y avait, en revanche, aucune organisation syndicale de salariés (…) comme s'il n'y avait pas des milliers d'emplois de techniciens, d'artistes, et des autrices et des auteurs qui étaient concernés. Ça nous a rendu furieux ; nous avons fait un communiqué à ce sujet (voir le communiqué). A Matignon, on nous a répondu que c'était normal puisqu'il n'allait être question que des conditions de réouverture. Or, justement, cela concerne la santé des salariés que nous représentons ! C'est révélateur de la méthode du gouvernement. Et même si la ministre s'est engagée à une rencontre paritaire dès début janvier, cela ne nous satisfait pas. Pour nous, la bataille continue.
Sur quel registre continue votre lutte ?
Les choses ne sont pas réglées pour des milliers de gens qui ont été durablement empêchés de travailler et qui ne vont pas reprendre comme ça, du jour au lendemain. Il y aura des reprises partielles, des spectacles vont continuer à être interdits comme les grandes jauges, les concerts debout, les arts de la rue… ce sont des milliers de gens qui ne vont pas retrouver leur activité normale, et dont certains sont entrain de quitter le métier ou de sombrer dans la pauvreté. C'est le constat que nous faisons dans nos syndicats. Nous recevons de nombreux appels dans ce sens, au sein des syndicats d'artistes en particulier.
Quel est la prochaine étape ?
Tout d'abord, on exige un rendez-vous avec le gouvernement dès début janvier pour discuter des conditions de réouverture de nos lieux de spectacle.
Ensuite, nous revendiquons – depuis plusieurs mois – le financement de résidences de création pour pouvoir continuer à travailler en attendant la réouverture totale. Nous réclamons la garantie de tous les droits sociaux, que ce soit l'année blanche prolongée ou l'accès aux congés maternité, par exemple. Il faut obtenir la garantie de tous les droits sociaux car ils sont en train de s'effondrer.
Nous n'y arriverons que si la mobilisation se poursuit, c'est la seule façon de faire fléchir un gouvernement qui reste droit dans ses bottes. Et que la décision du conseil d'état risque malheureusement de conforter dans ses positions.