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Nadia Salhi : Le contexte de cette journée d'étude est d'abord syndical. Les syndicats de deux grosses entreprises de la microélectronique travaillent dans une proximité géographique ; l'initiative part donc de la CGT ST Micro et la CGT Soitec, deux syndicats qui décident de se rencontrer sur des problématiques communes.
L'un des premiers axes est de travailler sur la filière industrielle électronique et plus particulièrement microélectronique. Les deux syndicats travaillent depuis un moment déjà sur les questions industrielles. Régulièrement, il y a eu des choix stratégiques dans nos entreprises qui pouvaient mettre en difficulté le futur de ces industries en France et en Europe. Et aujourd'hui, en raison de la crise de la Covid, il y a une explosion de l'utilisation du numérique avec une accélération de son utilisation dans tous les domaines.
L'idée arrive, au niveau européen, qu'il faudrait développer une filière électronique, avoir une indépendance sur les technologies. Ces derniers mois, il y a un problème de manque de composants, alors que la demande est devenue très forte.
Au niveau mondial, les entreprises ne sont pas en capacité de fournir la demande. Chez ST Micro, nous produisons des composants et chez Soitec les plaques de silicium, il y a une continuité de filière. Il y a quatre ans, nous étions intervenus, car ST Micro avait fait le choix stratégique de ne plus produire de nouvelles technologies. Nous pensons que c'est une erreur pour le futur : quelle sera alors la place de la France et de l'Europe dans la production de composants ? On risque de ne plus faire partie des principaux acteurs.
Sur la pénurie, l'un des effets du manque de composants dans l'entreprise est une augmentation non de la production, mais des tarifs. Une augmentation de la production n'est pas simple à réaliser à court terme. La production de composants nécessite des salles très high-tech, du matériel, des équipements qui prennent du temps à être conçus et produits. Il y a quelques années ST Micro s'est retrouvée sur la technologie FD-SOI qui nécessitait un équipement spécifique, des scanners à immersion. Or une seule de ces machines coûtait 50 millions de dollars.
Or ST Micro Crolles n'est pas une grosse usine au regard des géants asiatiques. Ainsi nous ne commandions qu'un seul équipement, quand Samsung en commandait dix. La conséquence, c'est que ST Micro passait en dernier en tant que client.
Aujourd'hui on survit sur l'existant, alors que sur la sécurité des données, c'est une question de maîtrise de technologie et de production. Si on n'arrive pas à faire des circuits qui assurent que les données sont confidentielles et qu'il n'y ait pas d'usage des données de santé, si on ne maîtrise pas en fait le logiciel inclus dans le composant et le composant lui-même, il y aura un problème.
Oui, mais la tendance est mondiale, les États-Unis ont eux aussi été mis en difficulté (face aux capacités en Asie) avec la stratégie du fabless (sans salle de fabrication).
Chez ST Micro, c'est plutôt du fablight, c'est-à-dire avec un peu de production, mais plus on va vers les nouvelles technologies, plus la sous-traitance est importante. Il y a eu cette stratégie pour augmenter les marges dans cette logique capitaliste.
Cependant, aujourd'hui, la question du numérique prend de l'ampleur et la notion de sécurisation des données comprend notamment le militaire et l'espionnage industriel.
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La question des guerres économiques nous intéresse parce que nous-mêmes avons été impactés directement par les décisions prises par les États-Unis l'année dernière avec les lois sur l'extraterritorialité. Ils ont interdit de vendre au chinois Huawei dès l'instant où on utilisait de la technologie américaine pour produire nos composants. Or les outils de conception sont américains, les équipements le sont aussi pour beaucoup. Il en résulte que les entreprises françaises ou européennes ne peuvent plus travailler avec Huawei, alors qu'il s'agissait d'un de nos clients.
Dans nos discussions sur la filière microélectronique, nous espérons pouvoir construire une filière intégrée.
Aujourd'hui, les fonderies (fabricants) sont plutôt en Asie en particulier pour les nouvelles technologies. Les États-Unis essayent d'en réinstaller sur leur territoire sous pression de leur gouvernement. Pourra-t-on aussi devenir fondeurs en France ? En Allemagne, Bosch a décidé il y a quelques années de produire leurs propres composants pour l'automobile et maintenant ils le mettent en place. Mais il fait un peu cavalier seul en Europe.
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