L’hôpital est au bord du gouffre
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« Nous nous opposons à la fusion de nos deux établissements dans un établissement unique qui verrait le jour à Saint-Ouen. Une mégastructure qui supprimerait au passage près de 400 lits, ce qui correspond à quelque 1000 postes d'hospitaliers (soignants, personnels administratifs et ouvriers et techniques) » explique Paul Bénard secrétaire général du syndicat CGT de l'hôpital de Beaujon (Clichy, Hauts-de-Seine).
Mobilisés depuis plusieurs mois, les comités de défense de l'hôpital de Beaujon, puis celui de Bichat (Paris) n'en sont pas à leur coup d'essai pour sensibiliser contre le projet d'un hôpital pharaonique à Saint-Ouen, lequel aura pour effet de supprimer deux hôpitaux de proximité tout en réduisant l'offre de soins.
Un premier rassemblement s'est tenu devant l'hôpital Beaujon le 11 février 2021, un autre à l'hôpital Bichat le 1er avril 2021. Des collectifs de défense alliant citoyens, syndicats des hôpitaux et usagers ont commencé à faire des vagues. A Clichy, une campagne d'affichage a été lancée, ainsi qu'une pétition qui a recueilli 4000 signatures parmi lesquels 600 salariés de l'hôpital.
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« La population de Clichy est très en attente du devenir de son hôpital. Il s'agit d'un hôpital de proximité ouvert 24 heures sur 24, un hôpital de plein exercice, centre référence polytraumatisé. Dans le nord du 92, nous sommes l'un des établissements qui pendant la crise Covid a en outre permis de soulager l'hôpital Bichat qui a été extrêmement impacté » insiste Paul Bénard. Lors de sa prise de parole devant le ministère de la Santé.
Le représentant du syndicat CGT de Beaujon devait s'en prendre à la fois au gouvernement et à la mairie de Paris : « Malgré la crise que nous traversons, qui nous montre tous les jours à quel point nous avons besoin de lits d'hospitalisation, ce gouvernement aggrave cette crise en maintenant sa politique criminelle de suppression d'hôpitaux et de lits… Anne Hidalgo, maire de Paris, a adressé de nouveau son quitus dernièrement à Martin Hirsch, signifiant ainsi son adhésion totale au projet Hôpital Nord. La position de la maire de Paris est sans ambigüité en accord avec la disparition de deux hôpitaux, l'avenir la jugera »,avance-t-il.
Prévu pour 2028, le campus hospitalo-universitaire Grand Paris-Nord doit être implanté sur le site de l'ancienne usine PSA de Saint-Ouen. « Nous ne sommes pas opposés à la construction d'un établissement à Saint-Ouen, mais il doit compléter et non remplacer en les faisant disparaître les deux établissements existants. Si le gouvernement veut construire un établissement pour prendre en charge la défaillance de soins du 93, nous sommes tout à fait d'accord, mais pas une mégastructure qui se ferait sur les ruines de deux établissements existants » explique encore Paul Bénard.
Cette démesure, avec un coût évalué à 1,3 milliard d'euros, ne choque pas que les personnels et usagers de l'ensemble Bichat-Beaujon, mais aussi ceux qui auraient pu être considérés comme les bénéficiaires, à savoir les habitants de Saint-Ouen. Le 29 mai 2021, le collectif « Pas ça, pas là, pas comme ça ! » organisait une initiative sur le site du futur hôpital avec 305 personnes allongées sur le sol. 305 étant, selon leurs calculs, le nombre de lits supprimés, il s'agissait ainsi de visualiser les dégâts sanitaires produits.
À cette occasion, le député LFI de Seine-Saint-Denis Éric Coquerel devait lui aussi qualifier le projet d'« inutile et nuisible » tant du point de vue social qu'environnemental. En outre, l'impact de cette énorme infrastructure sur la circulation d'une ville déjà bien saturée avec ses célèbres puces suscite aussi des critiques véhémentes.
Plutôt qu'une politique de restrictions doublée d'une débauche de moyens gaspillés dans un projet gigantesque, les quelque 500 manifestants devant le ministère de la Santé réclamaient de répondre aux besoins de proximité en conservant et améliorant les hôpitaux existants comme Bichat et Beaujon.Plus généralement, et après les épisodes extrêmes vécus durant la pandémie, ils exprimaient leur colère face à la boulimie de fermetures de lits et à la destruction du service public.
Parmi les autres revendications, les personnels et usagers ont aussi demandé la réouverture de l'hôpital du Val de Grâce et la réinstallation d'une centaine de lits supplémentaires à l'hôtel-Dieu.
Selon les syndicalistes, l'administration a aussi tôt fait de qualifier ces établissements de vétustes pour justifier des projets de fermeture. C'est notamment le cas à Beaujon : « L'hôpital existe depuis 1935 et est en proximité réelle avec la population qui y est attachée. On se bat donc pour le maintien et la poursuite de la rénovation qui a été engagée depuis 2013. La direction prétend que cet établissement est vétuste, mais ce n'est pas le cas. L'architecture est certes ancienne, mais toute l'infrastructure interne et de nombreux services ont été entièrement rénovés ces dernières années » rapporte Paul Bénard.
Une délégation des syndicats CGT et FO de Beaujon, ainsi que du syndicat CGT de Bichat a été reçue le jeudi 24 juin au ministère de la Santé. Au sortir de cette entrevue, elle déplore l'absence de réelles avancées : « Ils maintiennent leur projet de Grand hôpital et prétendent qu'ils vont simplement ajouter 90 lits, mais 90 lits c'est ce que Beaujon a perdu depuis 2013 ! » s'insurge Paul Bénard. Les premiers coups de pioches à Saint-Ouen sont prévus en septembre. En attendant, le syndicat de Beaujon a invité le ministre Oliver Véran a visiter leur hôpital, afin de lui démonter l'aberration qui consisterait à détruire un tel outil, dont certains services ont été entièrement rénovés.
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