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CINÉMA

La Fracture : une comédie sociale corrosive

29 octobre 2021 | Mise à jour le 29 octobre 2021
Par | Photo(s) : Carole Bethuel/Le Pacte
La Fracture : une comédie sociale corrosive

Dans La Fracture, comédie dramatique haletante et corrosive de Catherine Corsini, tout se casse : un coude, un foyer lesbien et la société française. C'est un éloquent portrait de notre société en décomposition et un vibrant hommage aux services publics.

1er mai 2019. Raf et Julie sont un couple de lesbiennes bobo parisiennes au bord de la rupture. Elles vivent encore sous le même toit, mais règlent leurs comptes à coups de textos compulsifs. Une chute en pleine rue et c'est le service d'urgences de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière avec un bras en bandoulière : immobilisée sur son brancard, empêchée de dessiner (son métier), Raf est déprimée, barbiturée et caustique comme jamais.

Observation d'une société en proie aux crispations

Elle observe avec une pointe de mépris la cour des miracles qui déborde les soignants affairés, mais trop peu nombreux. Et agace Yann, un gilet jaune blessé, courroucé et sûr de son bon droit. En fond, des tensions éclatent au sein de la manifestation de la fête du travail et bientôt des manifestants viennent chercher refuge pour échapper aux CRS. Le désordre, la décomposition à tous les étages. C'est ce que met en scène La Fracture.

Portrait sombre et corrosif

Dans ce long-métrage ultra-sombre mais hautement jubilatoire, Catherine Corsini – auteure de La Répétition (2001), Partir (2009), La Belle saison (2015), Un amour impossible (2018) – élabore un récit qui se place aussi bien à l'endroit de la chaire, de l'intime que du sociétal. Il y a d'abord ce bras cassé qui fait horriblement souffrir Raf et l'empêche de continuer à raconter, à témoigner selon ses moyens. Il y a ensuite ce couple de femmes, inspiré de la situation réelle de la cinéaste, qui dénonce l'absence de statut pour le deuxième parent.

« Je ne pouvais pas m'identifier à un Gilet jaune ni à une infirmière, mais je pouvais parler d'eux à partir de la place que je me donnais dans le film (…). Et puis je voulais me moquer à travers ce couple d'une génération qui a été engagée, a cru à la révolution, mais qui aujourd'hui trouve que “c'est quand même un peu trop violent” » !Catherine Corsini 

Les services publics, dernier rempart

Enfin, il y a la crise de la société française avec le déclin organisé du service public de santé et celui des violences des forces de l'ordre permis (ou orchestré) par le pouvoir en place sur les manifestants en révolte sociale. En situant les trois quarts, de l'action dans un service des urgences d'un hôpital parisien saturé, Catherine Corsini, prend le parti de la société civile et de l'humanisme. Au risque d'apparaître démonstrative, elle rend un vibrant hommage au corps médical et à sa capacité de résilience (ou de résistance ?) par temps d'austérité de la dépense publique et de sévères restrictions budgétaires. Les premiers héros, ce sont eux : ces blouses blanches qui enquillent les heures, les jours de présence au service des malades malgré le manque de moyens et de personnels.

Une société fragmentée, en proie aux crispations

Les choses s'affinent et se complexifient quand elle met en scène la confrontation entre Raf et Yann, entre deux franges opposées de la société : la bien-pensance bobo et intello parisienne face à la révolte d'une population de travailleurs pauvres qui n'a les moyens ni financiers ni culturels d'exister et de s'épanouir dans un cadre chaque jour davantage dominé par le marché. Autre atout de cette satire sociale : le trio formé par Valeria Bruni Tedeschi, Marina Foïs et Pio Marmaï qui a visiblement incarné son rôle avec délice.

La Fracturede Catherine Corsini. 1 h 38. Sortie le 27 octobre 2021

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