Colonies de vacances : partir, pour mieux grandir
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Avec le mois de juin et la fin de l'année scolaire viennent l'été et les projets pour les grandes vacances. Colos, camps ou encore centres de loisirs pour les jeunes selon les âges, séjours familiaux au bord de la mer ou à la montagne, voyages à l'étranger… Pour qui veut faire ses valises, l'étendue des propositions est infinie. À condition que les finances suivent ou que les aides soient à la hauteur. Or, en ce début de xxie siècle, au pays qui s'enorgueillit du Front populaire, de juin 1936 et de la conquête sociale que furent les congés payés, un gros tiers des Français (environ 40% de la population) reste encore chez eux pendant les grandes transhumances. Le taux de départs plafonne depuis quarante ans. En 1985, il était de 61 %, selon le Credoc (centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie), et de 64 % en 2019. La définition des vacances qui prévaut pour la statistique et les pouvoirs publics est pourtant modeste. C'est « l'ensemble des déplacements d'agrément comportant au moins quatre nuits consécutives hors du domicile ». Il peut donc s'agir d'un séjour à quelques kilomètres de chez soi pour visiter la famille ou d'un week-end prolongé chez des amis. À mille lieues des deux semaines au bord de la mer qui font partie de l'imagerie des vacances.
Des gares et des trains bondés, des familles d'ouvriers sur la plage, découvrant la mer, la vie au grand air et les joies du camping improvisé… Les photographies de l'été 1936 illustrent une parenthèse enchantée dans une période sombre ; elles demeurent iconiques et marquent, dans l'imaginaire, l'avènement des vacances pour la France laborieuse. Mais si les billets populaires de congés annuels, aïeux des actuels billets congés annuels de la SNCF, s'arrachent effectivement, les départs en vacances d'ouvriers sont en fait très limités. Il faut attendre l'après-guerre, la croissance économique des Trente Glorieuses (démocratisation de l'automobile, grands aménagements touristiques) et, surtout, des décennies d'efforts du mouvement syndical pour que le tourisme se développe largement dans toutes les couches de la population. Via des associations – la plus connue est Tourisme et travail, proche de la CGT –, les organisations syndicales mettent en effet en place des dispositifs pour organiser les vacances des bénéficiaires de leurs comités d'entreprise. Le droit aux congés payés, ce n'est pas le droit à partir en vacances.
Certes, la durée des congés payés est passée de deux semaines en 1936 à trois en 1956, quatre en 1969, puis cinq en 1981.Et l'explosion des départs en vacances jusqu'à la fin des années 1970 est impressionnante. « Huit millions de Français partent en vacances en 1951, contre vingt millions en 1967, et près de trente millions en 1979 », note l'historien Sylvain Pattieu. Depuis, un plafond de verre s'est installé. Du côté législatif, la loi relative à la lutte contre les exclusions de 1998 a bien fait de l'égal accès de tous, tout au long de la vie, à la culture, à la pratique sportive, aux vacances et aux loisirs un objectif national et un droit fondamental. Mais elle en reste au stade du vœu pieux. En effet, à quoi sert un droit si aucune politique publique ne permet de le mettre en œuvre ? La dernière en date, visant à soutenir le départ en vacances du plus grand nombre, remonte à 1982, avec le lancement des chèques-vacances. « Déjà, dans les faits, le droit au congés payés est souvent entravé. Dans les entreprises, il est de plus en plus difficile de prendre ses congés quand on le veut, note Régis Crunchant, coanimateur du collectif confédéral culture, sport et tourisme social de la CGT. Entre manque de personnel et charge de travail, il arrive de plus en plus souvent que la période choisie par le salarié ne convienne pas au patron. Et, aujourd'hui, c'est le niveau des salaires qui est une entrave au départ en vacances. Si nous gagnons cette bataille, chacun pourra faire son choix de vacances. ». C'est un clivage social qui n'est jamais pointé. En dehors des classes moyennes supérieures, voire des salariés des grandes entreprises où existent encore des CSE disposant d'importants moyens, la hausse du coût de la vie et l'inflation poussent les ménages à rogner sur les vacances. Au mieux, ceux qui n'y ont pas renoncé limitent leurs dépenses pendant leur séjour, au pire, elles partent de moins en moins longtemps. Quant aux fameux chèques-vacances, ils finissent trop souvent par servir à arrondir les fins de mois (restaurant, voire fast-food, parc de loisirs, billets de train …).
Signe des temps, le chèque-vacances, distribué la plupart du temps par les CSE, va dans le sens de l'individualisation de l'action sociale. En le créant, les pouvoirs publics ont fait passer par pertes et profits la volonté originelle de démocratisation des vacances et d'émancipation des travailleurs par le temps libre. Un cap que le tourisme social tente de préserver. Les CSE CGT qui ont conservé des centres de vacances ont rejoint le réseau Unat (Union nationale des associations de tourisme de plein air), qui interpelle régulièrement les pouvoirs publics. Face à la montée en gamme des colonies de vacances des enfants, ses opérateurs se battent pour conserver des offres accessibles à tous, par exemple en accueillant divers dispositifs de soutien au départ des plus précaires. En plus d'offrir « le partage d'une expérience de sociabilité », ces centres de vacances, notamment ceux qui sont gérés par les CSE CGT, mettent un point d'honneur à proposer « des animations culturelles de qualité, tient à rappeler Régis Crunchant. Pour nous, la culture est aussi moyen émancipateur contre les prisons qu'on se met dans la tête en se disant telle musique ce n'est pas pour moi, je ne peux pas aller voir tel spectacle. Or, il faut en donner les clefs de compréhension ».Le propre des vacances ou du tourisme est en effet d'aller à la découverte de l'inconnu. Or, le tourisme social, comme les colonies de vacances, sont un pilier de l'éducation populaire. À l'heure où le gouvernement s'apprête, par exemple, à mettre 110 millions sur la table pour un service national universel (SNU) au nom de la cohésion de la jeunesse et de sa découverte de la vie collective, il pourrait, au même motif, soutenir les colonies de vacances et, plus largement, le tourisme social et solidaire.
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