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COMMERCE ET SERVICES

Chez Leroy Merlin, «l’humain» n’est plus au cœur de l’entreprise

4 avril 2024 | Mise à jour le 4 avril 2024
Par | Photo(s) : Bapoushoo
Chez Leroy Merlin, «l’humain» n’est plus au cœur de l’entreprise

Le 8 mars, une soixantaine de salarié.es se sont rassemblé.es, à l'appel de la CGT Commerce, devant un magasin Leroy Merlin dans le 19e arrondissement de Paris. En cause : une sanction prise à l'encontre d'une salariée agressée par un client et la suppression au niveau national de 180 postes de comptables, occupés majoritairement par des femmes.

Au nord du 19e arrondissement de Paris, boulevard Macdonald, se dresse un immense centre commercial aux allures de paquebot. Devant l'imposante structure grise, un point rouge dénote en cette matinée froide du 8 mars. C'est aux abords du magasin Leroy Merlin, enseigne de bricolage détenue par la famille Mulliez (Auchan), qu'un rassemblement d'une soixantaine de personnes s'est tenu à l'appel de la fédération CGT Commerce et Services. Le choix n'est pas anodin. C'est dans ce magasin qu'en février dernier une hôtesse de caisse a été agressée physiquement par un client. Insultée, plaquée au mur et étranglée, elle a d'emblée été mise en arrêt maladie. Mais ce qui a davantage motivé le rassemblement des salarié.es, c'est la réaction de la direction sur cette affaire. Selon Imane Haddach, DSC CGT de l'enseigne, la direction « n'a apporté aucun soutien à l'employée. Pire, elle l'a sanctionnée de trois jours de mise à pied en lui reprochant de ne pas avoir bien réagi, de ne pas avoir appuyé sur le bouton d'alarme dédié à ce genre de situation ». Une attitude qui n'a pas laissé de marbre les salarié.es venu.es en soutien en cette journée internationale de lutte pour les droits des femmes. À l'instar de Fanny, chargée de mise en rayon, qui ne cache pas sa tristesse et sa déception : « La nomination d'Agathe Monpays à la direction générale de Leroy Merlin avait sonné comme une victoire pour nous. Mais on se rend compte que nos collègues femmes ne sont toujours pas à l'abri de sanctions injustes et injustifiées. » Après avoir écarté tout soupçon de népotisme lié à la famille Mulliez, la nomination de la jeune femme de 28 ans, en septembre 2023, avait suscité beaucoup d'espoir, notamment sur le plan de l'amélioration des conditions de travail. Contactée par La Vie ouvrière, la direction du magasin n'a pas souhaité apporter de commentaires sur le sujet.

Un plan social et économique déguisé

Outre la mobilisation en soutien à la salariée agressée et sanctionnée, c'est aussi la suppression de 180 postes de comptables en magasins, majoritairement tenus par des femmes, qui était dénoncée ce jour-là. Une disparition liée à une digitalisation des postes et à l'intelligence artificielle. La direction, cette fois-ci nationale, propose alors une solution sous le nom de « La Roue des possibles ». Un poncif qui ne tarde pas à être rebaptisé « La Roue de l'impossible ». Et pour cause. Il s'agit en réalité d'une gestion des emplois et des parcours professionnels en entreprise (GEPP).

Faire sortir 180 femmes par la petite porte sans PSE, c'est typique du patronat. Cela donne raison aux puissants, aux clients et aux patrons

Une procédure qui, selon Grégory Cipriano, secrétaire fédéral CGT en charge du bricolage, exclut « les mesures sociales que l'on retrouve à l'inverse dans un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). D'ailleurs à la CGT, nous ne signons jamais de GEPP, c'est ni plus ni moins des PSE déguisés ». Dans ce GEPP justement, il y est suggéré pour les 180 comptables une mutation exclusivement au siège social de Leroy Merlin situé dans le département du Nord. Ou encore une rupture conventionnelle incluant 30 000 euros de dédommagement. Également des reclassifications professionnelles vers les métiers de logisticiennes, conseillères de ventes ou hôtesses de caisse. Des propositions qui ont fait bondir les premières concernées. « Il n'y a rien de cohérent avec nos parcours professionnels ! », martèle avec colère Nuket, comptable, 28 ans d'ancienneté, qui dénonce également un abandon de la part de la direction : « Je me suis investie la moitié de ma vie dans cette entreprise, et je n'ai aucune perspective de fin de carrière. » Elle aussi remontée, Corinne, embauchée, il y a 39 ans, pense « que la direction ne bougera pas d'un iota sur le sujet, nous ne sommes que des numéros. Voilà comment Leroy Merlin traite les séniors, je suis dégoutée ! ». Emmenées par Imane Haddach, les 180 comptables exigent la mise en place d'un véritable PSE pour « faire partir les personnes dans la dignité ». Présente sur les lieux, la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, a rappelé que « le fait de faire sortir 180 femmes par la petite porte sans PSE, c'est typique du patronat. Cela donne raison aux puissants, aux clients et aux patrons ». Pour l'heure, aucune négociation n'est prévue. Mais assurément, la marque emblématique de bricolage semble avoir oublié son mantra : « L'Homme au cœur de l'entreprise. »