Ce que cache l’appel de Bardella aux femmes de France
Alors que les femmes sont de plus en plus nombreuses à voter pour le Rassemblement national, son leader, Jordan Bardella, s’adressait à elles sur les réseaux sociaux le 17... Lire la suite
Le soleil était au rendez-vous. Aux couleurs arc-en-ciel, violet, rose des différents cortèges, l'unité était celle des lunettes de soleil et le son des sifflets qui sonnaient l'alerte féministe. À une semaine du premier tour des législatives où, selon un sondage Ipsos pour France Bleu, publié le 22 juin, le Rassemblement National et ses alliés LR-Ciotti arrivent en tête des intentions de vote (35,5%), des centaines de milliers de personnes ont défilé partout en France pour défendre les droits des femmes. À Marseille, Bordeaux, Strasbourg, Nice, Lille, Lyon, Toulouse, Angers, Le Mans, Saint-Brieuc ou Lorient, les manifestants et manifestantes ont répondu à l'appel des syndicats (CFDT, CGT, UNSA, Solidaires, FSU) et des dizaines d'associations féministes contre l’arrivée de l'extrême droite au pouvoir.
« Depuis l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale, le 8 juin, la CGT est mobilisée dans la rue, dans les entreprises et cette mobilisation féministe fait naturellement partie de notre plan d'action, pose Angeline Barth, membre de la direction confédérale, derrière la banderole du 23 juin. On sait bien qu'au vu de son programme, l'extrême droite est l'ennemi des salariées et des femmes dont les droits sont les premiers attaqués quand elle arrive au pouvoir. » Pourtant, 30 % des femmes ont voté pour le RN aux élections européennes du 9 juin, alors qu'elles n'étaient que 20 % en 2019. Un électorat auquel Jordan Bardella, président du Rassemblement national, s'adressait dès le 17 juin sur X en se présentant comme l'allié idéal de leurs droits. Parmi ses promesses : garantie des droits et des libertés, de l'égalité entre hommes et femmes, de la liberté de s'habiller, de disposer de son corps, mais aussi lutte contre les déserts médicaux et particulièrement contre les déserts gynécologiques, lutte contre l'insécurité et garantie de la liberté de se déplacer dans l'espace public avec reprise en main de la politique migratoire, expulsion des délinquants et criminels étrangers, renforcement des peines plancher… « Le RN est non seulement le parti de l'imposture sociale, mais aussi de l'imposture féministe, continue la syndicaliste. Il dit tout et son contraire pouvoir faire voter le plus de monde possible pour lui mais de ses promesses, il ne fera rien. D'abord parce que c'est un parti qui est profondément réactionnaire, et ensuite parce qu'il n'affrontera jamais le patronat et le capital. Le RN ne fera jamais abroger la réforme des retraites, ni ne sanctionnera les entreprises qui discriminent les femmes. » Les reculs des droits sociaux sont dans toutes les têtes.
« Comme disait Simone de Beauvoir, il faut toujours rester vigilant car les premiers droits qui partent en cas de crise politique, sociale ou économique, ce sont les droits des femmes, explique Julie, 30 ans, cadre dans le milieu bancaire, venue manifester avec son compagnon. Le Rassemblement National peut bien s'offrir un vernis de circonstance. Moi, je vois ce qui se passe aujourd'hui en Europe. Par exemple, ce qui se passe en Italie où au sein des couples lesbiens, la mère qui n'est pas la mère biologique n'a plus de droits sur ses enfants. Il y a également la Pologne qui est revenue sur le droit à l'IVG. Et puis, la privatisation des médias en Hongrie – ce qui figure au programme de Bardella. On voit bien ce que l'absence de contre-pouvoirs médiatiques génère de pensée unique et finalement on se retrouve à assimiler l'homosexualité à la pédophilie… Bref, aujourd'hui, en 2024, les parties d'extrême droite au pouvoir reviennent massivement sur les droits et pour moi, c'est non. » Même inquiétude pour Francine, 45 ans, travaille à France Travail.
« Rogner nos droits, c'est en tous cas ce que font les élus d'extrême droite partout où ils arrivent à la tête des gouvernements. Ils tentent de remettre en cause les droits des LGBT, le droit à l'IVG, et tout un tas d'acquis et ne font rien pour gagner l'égalité salariale entre les hommes et les femmes ni améliorer nos situations. Je n'ai dont aucune illusion sur ce parti malgré l'affiche de têtes féminines. » Et de préciser qu'il faudra continuer à se mobiliser après cette période électorale. Tenter de se projeter dans un avenir plus serein, c'est la raison qui a poussé ce papa de 35 ans à défiler avec son bambin fixé dans son porte-bébé et affublé d'un message clair « Bardella, caca ». « Lui comme moi, on veut exprimer notre peur, notre anxiété et aussi notre tristesse de voir la tournure que prennent les choses, explique-t-il en tenant la main de son petit garçon. J'ai peur pour les droits de sa maman, j'ai peur pour ses droits à lui qui n'a pas encore forcément de genre défini, pour ceux de sa possible petite sœur et pour ceux de toutes les femmes globalement. »
« Nous savons que l'extrême droite est un grand danger pour le droit des femmes parce que nous avons regardé le vote des députés Rassemblement national à l'Assemblée Nationale dont 31 ont voté contre l'entrée du droit à l'IVG dans la constitution, note Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT. Nous avons aussi regardé le profil des candidats et des candidates du Rassemblement national. Non seulement il y a parmi eux des racistes, des antisémites, des complotistes, et des russophiles, mais il y a aussi beaucoup de candidats et de candidates qui sont engagés dans des associations contre le droit à l'IVG, contre le droit des femmes à disposer de leur corps. »
Une réalité souvent écartée de la campagne de communication savamment orchestrée par le Rassemblement National en cette période électorale mais qui ne surprend pas dans les rangs du cortège. « Je suis inquiète en tant que femme, en tant que personne racisée, en tant que personne handicapée, en tant qu'intermittente du spectacle, statut que le RN remet en question…, égrène Mamari, 30 ans, vêtue d'un lumineux boubou multicolore. Si le RN prend les commandes, c'est ma vie entière qui est chamboulée. J'appelle à voter pour le Nouveau Front populaire parce que leur programme me semble cohérent et qu'on a besoin de se rassembler, là. Il y a urgence ! » Un message auquel acquiesce Elsa, porte-parole d'Oser le féminisme : « le RN comme tous les partis d'extrême droite se prétend l'allié des droits des femmes mais s'appuie en fait sur ces sujets pour lutter contre l'immigration et propager des idées racistes et xénophobes. (…) Il est urgent qu'on s'empare de ces thématiques et qu'on crée un militantisme féministe qui soit aussi anti-raciste mais en pour l'heure, on veut inviter les gens à comprendre l'urgence de la situation et montrer l'enjeu féministe de voter contre l'extrême droite le 30 juin et le 7 juillet. »
Au-delà des nombreuses remises en causes sociales, sociétales et économiques, c'est aussi l'espoir d'une autre politique qui motivait nombre de manifestantes et de manifestants. « On est aussi là pour dire que nous avons une vraie alternative le 30 juin et le 7 juillet, rappelle Sophie Binet. Il y a des programmes dans lesquels figurent enfin la nécessité de débloquer 2 milliards d’euros pour mettre fin aux violences sexistes et sexuelles, la nécessité de sanctionner les entreprises qui ne pratiquent pas l'égalité salariale, la nécessité d'abroger la réforme des retraites qui est un vrai danger pour le droit des femmes. Ce programme c'est celui du nouveau Front Populaire pour lequel la CGT appelle à voter. »
Appel accessible sur : alertesfeministes.org
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