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DISCRIMINATIONS

Lieu de naissance des parents : la question qui fâche

22 janvier 2025 | Mise à jour le 22 janvier 2025
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Cinq syndicats et associations appellent les Français à ne pas répondre à une question facultative portant sur le pays d'origine de leurs parents, dans le cadre de la campagne nationale de recensement. Ils craignent l'utilisation politique qui peut en être faite.

« Mais à quoi va bien servir cette question ? », s'interroge cinq syndicats et associations (Ligue des droits de l'homme, CGT, FSU, Solidaires, Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) à propos de la nouvelle question portant sur le lieu de naissance des parents, introduite par l'Insee dans le cadre du recensement. Neuf millions de Français tirés au sort sont invités à répondre jusqu'au 8 mars. L'objectif est de connaître la répartition de la population et ses caractéristiques, afin d'affiner les politiques publiques déployées dans les territoires. Cette année, l'Institut national de la statistique a introduit trois nouveaux items portant sur le handicap, le télétravail et le lieu de naissance des parents.

Instrumentalisation par l’extrême droite

Or, par les temps qui courent, syndicats et associations se méfient comme de la peste (brune) de l'utilisation politique qui pourrait en être faite. En conséquence, ils appellent la population à ne pas répondre à cette question, facultative. « Nous le faisons car aucune politique publique ne justifie que l'origine immigrée de nos parents soit collectée dans notre bulletin individuel […] L'enregistrement de cette information est un pas vers une possible inégalité de traitement par l'État sur cette base […] Il ne faut pas qu'une information sur l'origine immigrée de chacune, de chacun, permette un suivi au travers des générations successives », ont écrit Nathalie Tehio (LDH), Sophie Binet (CGT), Benoît Teste (FSU), François Sauterer (MRAP), Julie Ferrua et Murielle Guilbert (Solidaires) dans une tribune publiée dans Mediapart. « Des enquêtes sur l'emploi, l'immigration, les trajectoires, etc., donnent déjà des informations et nous sommes demandeurs d'enquêtes permettant de mieux connaître les discriminations dont peuvent être victimes certaines populations. Mais en quoi cette question va-t-elle aider à mettre en place des politiques publiques ? », interroge Jan Robert Suesser, membre du bureau national de la LDH. Yohan Baillieul, cosecrétaire de la CGT de l'Insee abonde dans le même sens : « Le recensement est un outil important, mais cette question n'est pas pertinente. On ne voit pas en quoi elle va permettre de construire des politiques de lutte contre les discriminations. »

Racisme au travail

A la CGT, Gérard Ré, membre du bureau confédéral, partage les mêmes craintes : « A quoi va servir cette donnée, sauf à pointer du doigt certaines personnes ? Des enquêtes montrent déjà les discriminations à l'embauche ou dans l'emploi, qui touchent des salariés dont le nom est à consonance étrangère. Il y a un vrai sujet sur le racisme en entreprise », explique le militant, qui rappelle que l'intersyndicale a décidé de lutter ensemble contre le racisme au travail. François Sauterey, du MRAP s'interroge sur « les conséquences locales que les collectivités pourront tirer de cette question, dans la mesure où le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau s'est déclaré favorable aux statistiques ethniques à condition qu'elles ne servent pas à faire de la discrimination positive ? »

De son côté, l'Insee estime que cette « nouvelle donnée permettra, mais pas uniquement, de mieux connaître la situation des descendants d'immigrés, et de mieux analyser les inégalités de situation et les discriminations qui se prolongent au-delà de la première génération ». La Défenseure des droits Claire Hédon partage la position de l'Insee. Lequel souligne aussi que l'introduction de ces trois nouvelles questions a fait l'objet d'une large concertation, ce que Yohan Baillieul conteste : « La direction a organisé un webinaire pour faire part des débats, mais très peu d'explications ont été données quant à l'utilisation qui pourrait en être faite. » Sa collègue Julie Herviant, syndicaliste CGT, ajoute : « Notre déontologie impose de nous interroger sur les bénéfices/risques que les personnes peuvent tirer de nos statistiques. » Là, la balance risque de pencher du mauvais côté.