Journalisme dessiné ? Hybride entre magazine et livre ? (ce que les anglophones nomment «mook»), La revue dessinée est tout cela et plus encore. Née après l'émergence de revues comme XXI, ce trimestriel bimédia, disponible en librairie en version papier, mais aussi sur tablette, a bénéficié à la fois de la frustration des auteurs de BD se sentant parfois «limités» dans les sujets qu'ils avaient envie de proposer et d'une crise de la presse papier qui peine à trouver un modèle économique pour survivre.
À mi-chemin de ces deux regards, en sept numéros, La revue dessinée s'est affirmée d'emblée comme un média sérieux. Ses enquêtes, reportages, portraits, rencontres et documentaires en bande dessinée n'ont rien à envier à une presse plus traditionnelle. On y parle aussi bien des emprunts toxiques que de la peine de mort, de la précarité que du gaz de schiste, des postiers corvéables à merci que des «affaires Sarkozy», du quotidien d'un tribunal d'instance que des quartiers bétonnés dans les années 1960.
Ainsi, la livraison du printemps 2015 sous le titre « Les voyous du général de Gaulle » rappelle-t-elle, grâce à la plume du grand reporter Benoît Collombat et du dessinateur Etienne Davodeau, l'histoire du bien mal nommé Service d'action civique, le fameux «SAC» qui pendant vingt-deux ans (1960-1982) a joué le rôle de police politique anticommuniste au service du pouvoir gaulliste. Cette officine et ses barbouzes ont trempé dans la plupart des coups tordus de la République, meurtres compris, ce que relate le deuxième volet de cette passionnante enquête.
Les dossiers de la Françafrique et ceux du SAC se sont souvent recoupés (on y retrouve d'ailleurs bien des acteurs communs…). Dans « Le grain de sable », c'est un secret de polichinelle qui est illustré avec le scandale des « biens mal acquis » mettant en cause les fortunes considérables amassées –et distribuées- par trois chefs d'états africains adeptes d'un clientélisme qui leur a fait arroser la classe politique française en échange de leur maintien au pouvoir et du pillage des ressources de leurs pays. Xavier Harel et Julien Solé livrent une enquête décapante et limpide sur le fonctionnement de ce système mafieux. S'appuyant notamment sur le travail des associations Survie et Sherpa, l'enquête est suivie d'un dossier pour approfondir l'histoire de ce pillage organisé.
La revue dessinée n° 7, c'est aussi la grande hypocrisie de la forteresse Europe avec le programme Frontex, un questionnement sur comment nourrir la planète, un portrait de la comédienne et très vieille montmartroise Gisèle Casadesus, les rubriques « La sémantique, c'est élastique », « Passion byte », « La revue des cinés », « Culture générale » ou la « Sélection livres », bref, tout ce qui fait une presse de bonne tenue, variée, curieuse et travaillée.
Abonnement : 1 an 60 € et 15€ le numéro en librairie.
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