Simon Delétang, planches de salut
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De retour de la guerre où un obus l'a émasculé, le soldat Hinkemann (Stanislas Nordey) retrouve sa jeune et jolie femme Grete (Charline Grand). Traumatisé par la violence, il la rejette en même temps qu'il l'intègre. S'il ne supporte pas que sa belle mère crève les yeux à un oiseau pour qu'il chante mieux, il va devenir pour gagner sa vie quand le pays sombre dans la crise, un phénomène de foire. «Le héros allemand!» qui décapite rats et souris avec ses dents. Pendant ce temps-là, Grete batifole avec son ami Paul (Richard Sammut), séducteur qui chante «La Traviata» et qui s'évade dans la bagatelle. Avant qu'elle ne s'en détourne en découvrant son homme, réduit à faire spectacle afin de divertir le peuple qui doit oublier la guerre et ses mutilés, dixit le forain bateleur (Christian Esnay).
Comment reprendre pied dans la société après l'horreur des tranchées? Comment retrouver goût à la vie et à l'amour quand on en revient sous-homme? Comment croire à une société meilleure alors que la barbarie nazie se prépare? C'est à ces questions cruciales que nous confronte la pièce «Hinkemann» d'Ernst Toller, inspirée par sa propre vie. Le dramaturge allemand s'engage en 1914 comme volontaire sur le front de l'Ouest et en revient deux ans plus tard, farouchement pacifiste, déclarant: «La guerre a fait de moi son ennemi».
En 1919, Toller participe au mouvement révolutionnaire allemand et à la République des conseils de Bavière, une tentative de gouvernement par les conseils ouvriers, durement réprimée. Accusé de haute trahison, il sera condamné à cinq ans d'emprisonnement. Et c'est en prison, qu'il écrit notamment «Hinkemann». La pièce rend évidemment compte de l'ambiance d'après guerre où règnent chômage et colère du prolétariat, qu'elle confronte à la mutilation du personnage principal. «Cette époque n'a pas d'âme. Je n'ai pas de sexe. Où est la différence ?», se demande Hinkemann… Fort bien mise en scène par Christine Letailleur qui joue sur les jeux d'ombre et de lumière, la pièce questionne la tragédie collective au regard du drame intime. Alors que ses camarades, anarchiste ou spartakiste, débattent au café de l'avènement d'une société nouvelle, Hinkemann répond: «Je crois qu'il y a des hommes auxquels aucun État, aucune société, aucune communauté, aucun parti et aucune famille ne peuvent apporter le bonheur».
«Les juifs en Galicie!» La montée du nazisme gronde à travers les titres que proclament les vendeurs de journaux traversant le plateau ou l'étoile juive dessinée sur une vitre. Là encore, Ernst Toller en sera victime. Il s'exile dès 1933, fuyant l'Allemagne et le nouveau pouvoir national socialiste qui lui retire sa citoyenneté et interdit ses ouvrages. Face à la barbarie qui pointe à nouveau, la phrase terrible d'Hinkemann: «Les hommes continueront à tuer, à lapider l'esprit, à souiller la vie, toujours, toujours et à nouveau». Une pièce sombre, riche de questionnements.
«Hinkemann» d'Ernst Toller,
mise en scène par Christine Letailleur.
Jusqu'au 19 avril, au Théâtre national de La Colline,
15, rue Malte Brun 75020.
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