THÉÂTRE
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La jactance et le chagrin
9 octobre 2015 | Mise à jour le 1 mars 2017
Par
Amélie Meffre
| Photo(s) : Bilgou
Deux chômeurs – Elle, qui ne s'exprime qu’en argot, Lui, qu’en alexandrins – rendent chèvre le conseiller Pôle emploi. Il appelle à la rescousse son frère, le Manager, pour les faire parler normalement. Une pièce hilarante, mais pas que…
Elle et Lui attendent d'être reçus par le conseiller Pôle emploi. Celui-ci est sommé par sa direction de leur trouver un travail, sous peine de perdre le sien. Ça ne va pas être du gâteau.
À la question rituelle : « Quel genre d'emploi recherchez-vous ? » Elle répond : « Oh ! tout et n'importe nawack, ce qu'il m'faut, c'est un racket. » À part escaladeuse de braguette, elle a tout fait et là, faute de grisbi, si elle ne trouve pas un taf, elle est capable de se faire exploser le caisson. Le conseiller est en passe d'en faire autant… Il convoque le second candidat qui renchérit en alexandrins : « Écoutez, c'est la fin, la fin de mon rouleau. Je vais me foutre en l'air si j'ai pas de boulot. » N'y tenant plus, le conseiller demande à son frère, un manager hors pair, de leur apprendre à s'exprimer dans les normes. Indispensable condition pour avoir une chance de décrocher un job.
« I AM THE MANAGER »
Voilà maintenant nos deux chômeurs face au manager. À peine rentré des États-Unis, il commence à leur causer en franglais. Ça n'aide pas…
Mais bon, il a de la ressource pour les exercer à dire « Bonjour », répondre à « Comment allez-vous ? » et trouver quoi dire à quelqu'un qui vous annonce « Je me marie bientôt ». Une question, en quelque sorte, de politesse et de normalité.
Et c'est là où la pièce, Le manager, les deux crapauds et l'air du temps, écrite par Solenn Jarniou et jouée à Avignon cet été, est géniale. Face à ces langages si délicieux, mais « anormaux », nous nous tordons de rire.
D'autant que les comédiens – Solenn Jarniou (Elle), Loïc Auffret (Lui) et Christophe Gravouil (le conseiller et le manager) – sont épatants pour porter un tel texte. Un de ceux qui font date car hilarant tout en soulevant des questions essentielles : la civilité que la société exige des chômeurs quand elle en fabrique des masses, les conseillers Pôle emploi sur un siège éjectable et, bien sûr, le langage qui nous catégorise et donc nous exclut.
Bref, à voir absolument, frères de la côte* !
* « Camarades »
