6 novembre 2015 | Mise à jour le 28 février 2017
L'Écossaise Kerry Hudson a reçu le prix Femina Étranger pour « La couleur de l'eau », un deuxième roman plein d'émotions. Elle nous livre une histoire d'amour pas banale entre deux paumés, Alena et Dave, qui nous fait voyager de Londres à la Sibérie.
Kerry Hudson n'a pas son pareil pour faire éclore la tendresse entre des personnages en pleine tourmente. Dans son premier roman, Tony Hogan m'a payé un ice-cream soda avant de me piquer maman, elle nous contait l'enfance de Janie, jalonnée de sacrées galères, où transpirait l'amour entre la gamine et sa mère.
Cette fois encore, la love story qu'elle nous conte dans La couleur de l'eau se noue en plein marasme. Alena, jeune Russe débarquée à Londres, se retrouve à la rue, sans papiers, après avoir échappé à son souteneur et à son fils. Dave, vigile dans un magasin de luxe, va tomber sous son charme et fermer les yeux sur son larcin.
Ces deux écorchés vifs vont peu à peu s'apprivoiser et s'aimer. Tandis qu'on suit cette rencontre laborieuse, où chacun reste secret sur un passé bien cabossé, des retours en arrière nous distillent par petites touches l'envers du décor.
On découvre peu à peu l'enfer traversé par Alena, les coups et les viols qu'elle tente de parer, la violence extrême des réseaux de prostitution, ses ruses pour s'en protéger. Après sa fuite qui l'a mettra sur le chemin de Dave, la voilà comme un chat écorché qui se laisse lentement approcher et aider.
Mais le beau Dave a, lui aussi, ses parts d'ombres…
Kerry Hudson dresse un portrait tout en finesse de ces personnages fragiles et attachants, qui vont peu à peu s'accrocher l'un à l'autre comme à un radeau.
Pas de clichés, ni de happy end classique dans cette histoire d'amour qui nous transporte des bas-fonds londoniens au fin fond de la Sibérie.
La romancière écossaise, issue de la classe ouvrière, livre un roman plein de justesse, légitimement récompensé par le Prix Femina Étranger.
La couleur de l'eau
de Kerry Hudson.
Traduit de l'anglais par Florence Lévy-Paoloni.
Éd. Philippe Rey, 352 pages, 20 euros.