Le savoir à portée de clic

« Ce qui surviendra, nul ne le sait, mais chacun comprend qu'il faudra, pour le percevoir et l'accueillir, être calme, divers et exagérément libre. » Les derniers mots de l'historien Patrick Boucheron, lors de sa leçon inaugurale au Collège de France, le 17 décembre, donnaient le frisson.

En charge de la chaire « Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIII^e-XVI^e siècle », le médiéviste nous replongeait dans les méandres du Moyen Âge, dans l'histoire longue autant que déconcertante, parce que faite de discontinuités et de complexités, loin des certitudes impatientes que certains voudraient nous imposer. « Nous avons besoin d'histoire, car il nous faut du repos, une halte pour reposer la conscience », déclarait-il, avant de poursuivre : « tenter, braver, persister, nous en sommes là. Il y a certainement quelque chose à tenter. Comment se résoudre à un devenir sans surprise ? »

Ce fut un moment d'apaisement que d'entendre de telles paroles en pleine actualité tourmentée. Un moment qui ne se conjugue pas au passé, car grâce à Internet, son discours est encore accessible. Et il en est de même pour une majeure partie des cours donnés au Collège de France.

CHEMINS DE TRAVERSE PASSIONNANTS

Mathématiques, physique, chimie, biologie, histoire, archéologie, linguistique, orientalisme, philosophie, sciences sociales… Dans tous les domaines, le savoir de ce haut lieu de la pensée nous est offert grâce des vidéos mises en ligne. Et là, il nous suffit de nous laisser embarquer pour se nourrir des connaissances de ces professeurs érudits s'efforçant d'être compréhensibles par le plus grand nombre.

Car les cours au Collège de France sont ouverts à tous, gratuitement, sans inscription préalable. Mieux, plus de 6 000 d'entre eux peuvent être visionnés sur la Toile. Et on se prête au jeu aisément, naviguant dans les séminaires d'Henry Laurens sur l'histoire contemporaine du monde arabe, de Dominique Charpin sur la civilisation mésopotamienne ou d'Alain Supiot sur la justice sociale internationale.

Le voyage est plein de surprises avec les interventions de professeurs invités nous faisant prendre sans cesse des chemins de traverse comme autant de hauteur et de recul sur l'actualité immédiate.

LA DÉMOCRATIE EN QUESTION

Ainsi, en surfant dans les cours de Pierre Rosanvallon sur l'histoire de la démocratie, on découvre l'obsession des chefs au XX^e siècle au cours d'un exposé brillant d'Yves Cohen. Une hantise que l'on retrouve simultanément dans l'armée, l'industrie ou l'enseignement, en France, en Allemagne, en Russie comme aux États-Unis.

On affine l'approche de cette réforme hiérarchique en écoutant Armand Hatchuel évoquer la figure d'Henri Fayol et sa théorie du chef d'entreprise à la fin du XIX^e siècle. On puise encore dans les réflexions passionnantes du politologue Loïc Blondiaux sur « la démocratie à venir et à refaire ». Un réquisitoire sur l'impuissance de nos gouvernements qui n'affichent leur capacité d'action que sur les problèmes de sécurité ou d'immigration, là où ils ont encore prise. Quand l'État policier prospère sur le déclin de l'Etat social.

N'hésitez pas à aller butiner dans cette caverne inestimable qu'est le Collège de France : on en ressort ragaillardi et rassuré sur l'énergie déployée par tant de penseurs en action, soucieux de partager leur savoir.

Collège de France – 11 place Marcelin-Berthelot Paris 5e.
Plus de 6 000 vidéos disponibles sur le site du Collège de France