Être noire
Née au Nigeria, comme son héroïne, vivant comme elle entre sa terre natale et les États-Unis, Chimamanda Ngozi Adichie n'a pourtant pas écrit un roman autobiographique, mais Americanah est à l'évidence bourré des nombreux constats que l'écrivaine a eu le loisir de dresser en vivant entre les deux continents. Et ce n'est sans doute pas un hasard si Ifemelu écrit – pas des livres, mais un blog – où elle décrit ses observations de double émigrée.
Au cœur de ce roman dense et riche, le racisme ordinaire qui s'exerce aux États-Unis et dont Ifemelu va expérimenter toutes les formes. Dans ce qui se prétend la plus grande démocratie du monde, alors que Barack Obama n'est encore qu'un candidat à l'investiture de son parti, être noir est être un citoyen de seconde zone, un adulte incomplet.
Venue étudier, Ifemelu, qui a laissé au Nigeria tout ce qu'elle aimait, dont son compagnon Obinze, va devoir se battre pied à pied pour obtenir un statut qui pourtant ne fera jamais d'elle une Afro-Américaine… pour finalement revenir à Lagos.
La talentueuse romancière signe, avec ce troisième roman, un formidable récit vu de l'intérieur et très finement écrit, des stéréotypes sur lesquels se base toute exclusion de celui qui est différent. Un livre, qui, comme son dernier essai Nous sommes tous des féministes, devrait être au programme de tous les collèges en France et d’ailleurs tant il amène de réflexion sur le vivre ensemble.
Americanah, par Chimamanda Ngozi Adichie.
Traduit de l'anglais par Anne Damour.
Collection « Du monde entier », Gallimard, 526 p., 24,50 €.