Lettres d'hier et d'aujourd'hui

Bonne idée de nous replonger aujourd'hui dans les Lettres persanes de Montesquieu, paru en 1721. Le penseur des Lumières, à travers 161 lettres fictives échangées entre Usbek et Rica, partis à Paris, et leurs amis respectifs restés au pays, dressait une critique des mœurs sociales et politiques de la France comme de la Perse du XVIII^esiècle. Alors que près de trois siècles plus tard, les interrogations sur les us et coutumes des uns et des autres font toujours débat voire polémique, le metteur en scène Guillaume Clayssen a la riche idée d'adapter le roman épistolaire du philosophe.

Après une entrée en matière, plus que réussie, qui nous surprend autant qu'elle nous interroge, nous voilà plongés dans les fameuses correspondances. « C'est un grand spectacle pour nous, mahométans, de voir pour la première fois une ville chrétienne. Je ne parle pas des choses qui frappent d'abord tous les yeux, comme la différence des édifices, des habits, des principales coutumes : il y a, jusque dans les moindres bagatelles, quelque chose de singulier que je sens et que je ne sais pas dire. »

Cette langue précieuse d'hier est livrée sur le plateau avec brio par des artistes talentueux, dont l'étonnant Norvégien Olav Benestvedt, puissant comédien et chanteur. La mise en scène regorge de trouvailles scéniques comme la vidéo nous projetant en fond de scène, le sérail d'Usbek qui s'apparente à un tableau de maître. Elle nous balade dans les lettres passées, en les ancrant dans le présent via notamment une musique bien actuelle de Nicolas Laferrerie et des missives contemporaines.

Un brin resserré – certaines performances sont trop longues ou inutiles, noyant le propos –, le spectacle gagnerait en force. Il ne laisse toutefois pas indifférent. Loin de là !

Lettres persanes de Montesquieu, mises en scène par Guillaume Clayssen.

Jusqu'au 13 février, à l'Étoile du Nord – 16 rue Georgette Agutte – Paris 18^e.